La bonne nouvelle, c’est que les trains sont toujours plus nombreux et vont toujours plus vite. La mauvaise, c’est que cette utilisation intense sollicite énormément le réseau. Résultat: alors que l’état général des installations (ponts, lignes de contact, etc.) est jugé bon, celui de la voie ferrée est seulement «suffisant». Un terme auquel on est peu habitué quand on parle du rail helvétique!
«Le volume d’entretien et de rénovation des voies reste insuffisant», relève Donatella Del Vecchio, porte-parole de l’ancienne régie. Et ce, même si les CFF ont multiplié les travaux sur le réseau ferroviaire en 2014.» Ils mettent les bouchées doubles et promettent d’être à jour en 2030.
Surveillance accrue
La sécurité des voyageurs n’est pas concernée par les interventions prévues, garantit l’Office fédéral des transports (OFT). De leur côté, les CFF refusent de parler de points noirs, mais évoquent néanmoins des «endroits qui requièrent une attention particulière» sans, pour autant, les nommer. «Le cas échéant, nous prendrons les mesures qui s’imposent pour continuer à garantir un niveau de sécurité élevé», explique la porte-parole.
Sur le plan financier, ces travaux pèsent lourd. En 2013 et 2014, les CFF y ont consacré davantage de moyens que ce qui avait été prévu dans la convention de prestations établie à l’origine avec la Confédération. C’était encore insuffisant: à la fin de 2014, le besoin de rattrapage avait encore augmenté de 204 millions de francs pour atteindre 2,521 milliards.
En 2014, le bénéfice du transporteur a ainsi reculé à 373 millions au lieu des 400 millions fixés dans les objectifs. Et, pour y arriver, il a même fallu vendre le bâtiment qui abritait le siège historique situé au-dessus de la gare de Berne. Les CFF seront désormais locataires de bureaux au Wankdorf. Il faudra attendre l’automne pour savoir si d’autres biens immobiliers auront été cédés en 2015.
Pression financière
Berne ne s’est pas laissé émouvoir pour autant. En mars dernier, le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication Detec relevait dans un communiqué: «La situation financière des CFF reste un défi. Le Conseil fédéral attend une augmentation de la productivité, notamment dans le trafic voyageurs, afin d’améliorer durablement les résultats annuels.»
Dans une interview au quotidien Le Temps, Peter Füglistaler, directeur de l’OFT, renchérit: «Le montant articulé par les CFF pour le rattrapage est théorique.» Selon lui, les CFF ont un problème de coût et de mise en œuvre. En 2014, ils ont rénové 12 km de moins que l’année précédente. «Dans le même temps, le prix des travaux au kilomètre a augmenté de 10%», relève l’OFT, qui rechigne à augmenter sans cesse les moyens.
Gymnastique comptable
Les objectifs fixés par la Confédération sont-ils réalistes? Les deux parties rappellent avoir trouvé un nouvel accord l’été dernier pour couvrir le surcoût de l’infra-structure ferroviaire. Selon ce document, les CFF prennent à leur charge les travaux effectués pour 2014 et 2015 à raison de 150 millions par an. A partir de 2016, la mise en œuvre du fonds de financement (lire encadré) augmentera les moyens à disposition.
En avril dernier, Berne a tout de même desserré la ceinture: dans les objectifs fixés avec effet rétroactif pour les années 2015-2018, la limite autorisée pour l’endettement a été revue à la hausse jusqu’en 2020. Au-delà de la guerre des chiffres, l’avenir dira si cet ajustement est réaliste. Berne se déclare ainsi prêt à réagir si l’état du réseau l’exigeait.
Claire Houriet Rime
Fonds unique de financement
Nouvelle cagnotte pour plus de moyens
C’est en 1999 que les CFF sont devenus une société anonyme dont l’actionnaire majoritaire reste la Confédération. Le rôle de Berne est donc ambigu. D’un côté, les pouvoirs publics subventionnent les transports publics en allouant chaque année des milliards aux CFF. De l’autre, la Confédération joue son rôle d’actionnaire en exigeant des bénéfices. Les CFF sont ainsi liés par une convention qui est régulièrement renouvelée.
A partir de 2016, les différentes sources de financement seront regroupées dans un fonds unique. Lequel est issu du projet «Financement et aménagement de l’infrastructure ferroviaire (FAIF)», approuvé en votation en 2014 et qui augmentera les moyens mis à disposition. Cette cagnotte recevra 5 milliards par an, dont 4 milliards affectés à l’infrastructure ferroviaire. La priorité sera donnée à l’entretien avant le développement du réseau, précisent les CFF.