Doux, sensible, René Aebischer, quinquagénaire à la barbe poivre et sel, parle de ses années de galère sans amertume. Pourtant, suite à une décision erronée du médecin conseil de sa compagnie d’assurance, il a dû se battre comme un beau diable pour défendre ses droits. Tant et si bien que sa famille n’a pas attendu l’issue du combat.
En 1991, il rentre d’un long voyage autour du monde en bateau avec à son bras sa compagne brésilienne et l’enfant de cette dernière. Très vite, il s’installe et s’associe pour ouvrir une carrosserie à Froideville. Les temps sont durs: il faut travailler «jour et nuit» pour joindre les deux bouts.
Souffrance insoutenable
Après deux ans de ce régime, il se réveille un matin pratiquement incapable de bouger: «Tous mes membres me faisaient mal, j’ai pensé à une intoxication alimentaire», se souvient René Aebischer. Les douleurs qu’il ressent au dos ne le quitteront plus. La souffrance est intenable lorsqu’il accomplit des travaux lourds ou dans certaines positions. Depuis, il ne peut plus travailler normalement.
A la création de son entreprise, René Aebischer avait contracté une assurance perte de gain devant lui garantir une rente annuelle de 36 000 francs. Incapable de travailler depuis 1994, il touche donc une partie de ces rentes. En 1995, l’AI complète ses maigres revenus et lui verse une rente de 50%.
Coup de grâce
Problèmes de santé, problèmes matériels, remise de sa carrosserie: tous ces événements détériorent sa vie de famille. Le coup de grâce arrive début mai 96: dans une lettre recommandée, son assurance invoque une prétendue réticence (lire Bon à Savoir de décembre 2000) pour annuler le contrat conclu en 1991. Et non contente de refuser de payer la rente invalidité, elle réclame encore à M. Aebischer le remboursement des sommes versées depuis 1994, soit un montant de 32 611 francs! «C’était la fin du monde», commente-t-il en se souvenant avec précision de l’instant où il a ouvert ce courrier. Son couple ne résiste pas à cette nouvelle épreuve. Il divorce quelque temps plus tard.
Lutte de cinq ans
Pour étayer son refus, la compagnie d’assurance invoque le fait que son médecin conseil aurait obtenu des renseignements médicaux démontrant que son assuré souffrait déjà du dos avant la conclusion du contrat d’assurance. En outre, elle l’accuse de ne pas avoir répondu correctement au questionnaire qui lui avait été soumis avant la conclusion du contrat d’assurance.
A tort, puisqu’après cinq longues années de lutte pour faire valoir ses droits, René Aebischer a fini par obtenir gain de cause en justice, après qu’un expert judiciaire ait confirmé qu’il n’y avait pas de réticence. «J’ai eu de la chance d’être soutenu par l’ASSUAS, conclut René Aebischer. Sans leur aide, je ne sais pas où j’en serais aujourd’hui.»
Ludmila Glisovic
ce que dit la loi
Le secret médical bafoué
L’affaire de René Aebischer illustre de manière exemplaire le rôle critiquable que certains assureurs font jouer à leur médecin conseil. Ils sont en effet parfois utilisés pour fouiller dans le passé d’un assuré, dans le but de trouver des causes à des pseudo-réticences.
Or, un médecin conseil n’a en aucun cas le droit de mener une enquête à l’insu d’un assuré. De même qu’un médecin traitant, il est tenu au secret professionnel.
L’assuré doit être mis au courant lorsqu’une demande de renseignements le concernant est adressée par l’assureur ou son médecin conseil à son médecin traitant. Et il doit avoir la possibilité de se déterminer sur la réponse que son médecin va donner au médecin conseil ou à l’assureur.
En conséquence, aucune transmission de données du médecin personnel au médecin conseil, puis de ce dernier à l’assureur, ne peut se faire sans l’accord formel du patient.
Mais comme le reconnaît le code déontologie de la FTMH, la position du médecin conseil est ambiguë. Il se trouve pris dans un conflit d’intérêts entre ce que lui dicte sa conscience professionnelle et la défense des intérêts de son employeur ou de son mandant, en l’occurrence une assurance.
Jacques Micheli/ASSUAS
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