Jean et Monique Ansermet* travaillent tous deux à 100%. A force d’entendre parler des avantages du temps partiel, ils ont eu envie d’y goûter. Bien sûr, ils aiment leur travail, mais un mode de vie plus apaisé les tente. Et cette envie n’a pas diminué depuis que leur fille Sarah a envahi leur vie, il y a deux ans et demi. Au contraire!
Ils ont déjà approché leurs employeurs respectifs afin de réduire leur temps de travail de 20% chacun. Pour Monique, secrétaire, cela semble acquis d’avance. Pour Jean, 35 ans, ce sera probablement plus compliqué, même si son responsable, à peine plus âgé que lui, ne semble pas réfractaire à l’idée. «Je suis sûr de pouvoir le convaincre, assure Jean, employé de bureau. Il sait qu’on est plus efficace et plus motivé après un jour de congé!»
Férus de voyages
Leur grande crainte est de devoir renoncer à leur train de vie. Certes, ils ne roulent pas sur l’or (Jean gagne 4611 fr. nets par mois, Monique, 4263 fr.), mais ils sont plutôt à l’aise. Leur loyer somme tout raisonnable pour un cinq-pièces genevois (2400 fr., charges comprises), leur permet de ne pas se priver. Leur péché mignon, ce sont les voyages. Surtout celui de Jean, qui a pas mal bourlingué. L’Argentine, l’Egypte, la Thaïlande sans parler de la Côte d’Ivoire: à eux deux, ils ont visité pas moins d’une trentaine de pays. Et la venue de Sarah ne les a pas refreinés. «Les voyages sont notre plus grosse dépense, environ 15 000 fr. par année, explique Jean. Après le loyer et les impôts bien sûr! Chaque année, nous partons quatre semaines, sans compter un petit week-end en amoureux.»
Bien sûr, ils compensent. Au quotidien, même s’ils apprécient la bonne chère, ils ne sortent pas beaucoup. Un resto par-ci, un ciné par-là. Ils ne dépensent que le minimum en matière d’assurances. Pas d’assurance vie, ni de coûteuses complémentaires santé. Heureusement, la famille est bien portante et veille à ne pas payer trop pour l’assurance maladie de base. Et puis, Sarah ne va que deux jours par semaine à la crèche. Le reste du temps, la fillette a la grande chance de pouvoir le partager avec ses grands-parents. En travaillant à 80%, Jean et Monique pourraient passer une journée de plus avec leur enfant, tout en soulageant leurs propres parents.
Le plus difficile pour eux est de savoir quel sera l’impact fiscal d’une diminution de leur temps de travail sur leurs revenus.
Importante diminution d’impôts
«En travaillant chacun à 80%, Jean et Monique paieront 9536 fr. d’impôts au lieu de 16 374 fr. actuellement», calcule Roland Bron, de la société VermögensZentrum. Cela représente une charge fiscale pratiquement deux fois moindre! Pour le couple, ce surprenant résultat est surtout une excellente nouvelle. Mais celle-ci ne suffira pas.
Les tableaux ci-contre le démontrent: en conservant strictement le même train de vie et en n’entamant pas leurs réserves (épargne de 12 000 fr. et fonds de placement d’une valeur de 9000 fr.), les Ansermet ne pourront pas tourner, même en comptant que la crèche leur reviendra moins cher (3986 fr. au lieu de 5173 fr.), étant donné que son prix est fonction du salaire.
Une solution serait alors de diminuer le temps de travail de leur femme de ménage. Si celle-ci vient deux heures par semaine au lieu de six, à raison de 25 fr. de l’heure, ils économiseront 4800 fr. par année. Mais cela ne sera pas encore suffisant.
Jean et Monique n’auront donc d’autre choix que de raboter leur budget voyages de 3500 fr. Avec 11 500 fr., ils ont néanmoins encore de quoi réaliser de beaux périples. Il leur restera ainsi 424 fr. (contre plus de 7000 fr. actuellement), qu’ils pourront mettre de côté.
Ce n’est pas beaucoup, mais, étant donné que plusieurs dépenses importantes (voiture et canapés) sont derrière eux, cela peut suffire.
Un deuxième enfant
Jean et Monique envisagent aussi d’avoir un deuxième enfant. Et là, leur marge de manœuvre sera très réduite (voir 3e colonne du budget). Certes, ils ne paieront plus que 7385 fr. d’impôts et toucheront 2400 fr. d’allocations familiales en sus. En revanche, les dépenses supplémentaires engendrées par la venue du second enfant, comme l’assurance maladie (984 fr. à elle toute seule), la nourriture ou la crèche ne sont pas négligeables.
Surtout, avec deux enfants en bas âge, le couple aura peut-être de la peine à assurer les tâches ménagères. Il ne pourra toutefois pas employer davantage sa femme de ménage, au risque d’être dans le rouge. Du coup, Jean et Monique devront encore rogner leur budget voyage de 1100 fr., même si la famille comptera quatre et non plus trois personnes. En limitant leurs ardeurs de globe-trotters, par exemple en s’abstenant de partir une année sous les tropiques, les Ansermet pourront dès lors faire mieux l’année suivante. Ou alors, ils peuvent revendre leur voiture, qui leur coûte tout de même 500 fr. par mois. «Ce serait difficile avec deux enfants, réagit le couple, peu favorable à cette dernière idée. Pour limiter les frais de transport, nous voyagerons alors davantage en Europe, et même en Suisse dont nous n’avons jamais fait le tour!»
Nicolas Zeitoun
*Noms fictifs.
Pour télécharger les tableaux du budget, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.