Dans son célèbre roman Le Parfum, Patrick Süskind écrivait: «Qui maîtrisait les odeurs, maîtrisait le cœur des hommes». Mais vu sous l’angle de la santé, les parfums sont bien moins séduisants. En effet, ils contiennent souvent des substances nocives, des phtalates (lire plus loin), dont certains sont d’ailleurs interdits. Pour d’autres, l’Union européenne a fixé des valeurs limites, que la Suisse a adoptées au 1er janvier.
En collaboration avec son partenaire alémanique K-Tipp, Bon à Savoir a donc vérifié si ces normes étaient bien respectées. Pour cela, nous avons confié à l’Institut de toxicologie de Hanovre, en Allemagne, 24 flacons de sent-bon pour femmes et six pour hommes. La mission des experts était de rechercher s’ils contenaient des phtalates interdits, de recenser les autres et leur quantité.
La nocivité des phtalates n’est en effet plus à prouver: des observations en laboratoire, réalisées sur des animaux, ont notamment permis de constater un gonflement du foie et une augmentation du taux de cancers. D’autres recherches ont démontré des effets néfastes sur la fécondité et sur le développement du fœtus. Parmi les substances à éviter se trouvent le diéthyl-phtalate (DEHP), le benzylbutyl-phtalate (BBP) et le dibutyl-phtalate (DBP). Du moins, celles-ci ne devraient en aucun cas dépasser les valeurs limites fixées à 2000 mg/l.
Résultat: phtalates partout
Notre analyse révèle que presque toutes les senteurs contiennent des phtalates, mais seulement en petite quantité et en deçà des teneurs autorisées. Seule l’eau de parfum Sometimes, d’Hubert de Montavon, les dépasse allègrement: il n’affiche rien de moins que 43 000 mg/l de DBP, soit vingt fois plus que ce qui est autorisé! Michel Donat, responsable de la section des cosmétiques auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) est atterré: «Ce produit devrait être retiré de la vente.» Selon lui, les chimistes cantonaux, responsables de la surveillance, devraient y veiller et cela malgré le délai transitoire d’un an accordé aux fabricants.
Autres substances
Jürgen Angerer, professeur et responsable de l’Institut de médecine sociale à l’Université d’Erlangen, en Allemagne, va plus loin. Il plaide pour que les phtalates soient remplacés par d’autres substances chaque fois que cela est possible. C’est pourquoi seuls les parfums contenant des quantités minimes de phtalates interdits (moins de 5 mg/l) ont été classés «recommandable» dans notre appréciation globale (voir tableau).
Aux côtés de ces substances, de nombreuses senteurs contiennent encore du diéthyl-phtalate (DEP) (sous total des phtalates dans le tableau). S’il est considéré comme peu nocif, les militants de Greenpeace estiment dans leur rapport, publié en février 2005, que ses effets à long terme ne sont pas encore bien connus. Quoi qu’il en soit, Jürgen Angerer insiste sur le fait qu’il vaudrait mieux cesser d’utiliser des substances influant sur la fécondité.
H&M retire son produit
Du côté des fabricants, les responsables de Bulgari, Farfalla et Kenzo assurent qu’aucun phtalate n’a été ajouté à leur produit et qu’il doit s’agir d’impuretés résiduelles, autorisées dans les limites légales. Du côté de H&M, la réaction à notre analyse est plus radicale: bien qu’il ait été jugé recommandable, l’entreprise vient de retirer de la vente son Cotton Blossom. Verena Cottier, porte-parole, commente: «Même si les traces de DEHP sont faibles et se situent au-dessous des valeurs limites, nous allons chercher à les réduire davantage.»
La firme suédoise va même plus loin et annonce que tous les flacons de Cotton Blossom vendus seront remboursés sur simple présentation du produit, même largement entamé. Le geste vaut bien un pschitt de félicitations!
Rolf Muntwyler / zeb
Décryptage
A quoi sert le diéthyl-phtalate
Le diéthyl-phtalate (DEP) est l’un des nombreux esters de phtalate d’usage courant. Il est utilisé dans une large gamme de cosmétiques et autres produits d’hygiène pour ses qualités de solvant.
En clair, cette substance permet de rendre liquide les matières premières, souvent visqueuses, huileuses ou carrément solides, qui entrent dans la composition des parfums et eaux de toilette.