Outil de savoir et de communication par excellence, l’internet est entré dans le quotidien de chacun. En revanche, ses avantages et ses inconvénients sont loin d’être familiers à tous, à commencer par les parents qui ignorent parfois ce que les jeunes peuvent faire, trouver ou rencontrer sur la toile.
Virtuels au départ, les risques peuvent rapidement devenir réels, avec des conséquences pas toujours anodines. Cela peut aller d’une utilisation excessive de l’internet (heures consacrées au chat ainsi que l’accès à des sites illégaux, pédophiles, racistes, violents, etc.), aux problèmes d’identité (perte de sa propre estime en regard de la personne que l’on prétend être sur la toile), sans négliger tous les risques de rencontres douteuses.
Afin de prévenir au maximum tous ces dangers, rien ne devrait remplacer le dialogue parents-enfants. Ceci en veillant à ne pas diaboliser l’outil par des messages excessifs (lire interview en page 33).
Le dialogue, mais encore…
En marge de l’indispensable dialogue, il existe une panoplie d’outils permettant de cadrer l’enfant. En effet, depuis de nombreuses années, des logiciels, gratuits ou non, permettent aux parents de limiter ou de contrôler l’activité cybernétique de leurs enfants. Mais ces programmes sont de qualité très inégale: il y a ceux qui filtrent trop ou pas assez, ceux qui ne protègent pas ou que partiellement l’identité du surfeur, ceux qui ne permettent pas de contrôler le temps de connexion ou encore ceux qui ne conservent pas l’historique des sites visités, etc.
Afin de permettre aux adultes de choisir en connaissance de cause, Action Innocence* a mis sur pied à Genève un projet spécifique, baptisé Filtra, dont l’objectif est de tester et d’évaluer, selon des critères prédéfinis, l’efficacité des outils de filtrage (voir tableau ci-contre).
Les critères du test
Pour ce faire, les 22 logiciels existant au moment du test (réalisé du 15 au 23 septembre) ont été confiés aux testeurs de Filtra. Pour chacun d’eux, le système d’exploitation utilisé, principalement Windows XP, était identique au début des travaux, de même que les critères du test, qui sont les suivants:
> Filtrage: capacité à bloquer les 300 sites interdits prédéfinis, dont 150 de pornographie douce, 120 de pornographie dure (pédophilie, zoophilie, scatologie), 30 de haine et de violence, et 50 liens faux-positifs permettant cette fois de tester le taux de surblocage (blocage de sites qui ne devraient pas l’être).
> Options: liste blanche et/ou noire personnalisable, mot clé personnalisable, historique de surf, blocage des programmes, protection de l’identité du surfeur, gestion du temps de connexion.
> Convivialité: facilité d’utilisation, mise à jour automatique par défaut, rubrique d’aide et existence d’une version française.
Les résultats ont été pondérés de la manière suivante:
– 80% de la note est composé de la capacité de filtrage du produit;
– les 20% restant étant équitablement répartis entre les critères options et convivialité. Le taux de surblocage n’entre pas dans ce calcul, mais reste un critère de choix.
Les meilleurs
Classés «très bon», les trois premiers logiciels (voir tableau) répondent bien aux exigences. Parmi les quatre suivants, classés «bon», mentionnons la solution Trend Micro Security 12, en réalité la meilleure de sa catégorie en matière de filtrage et de surblocage, déclassée pour ses moins bons résultats dans les options et la convivialité. Le prix n’a pas été retenu, mais il est intéressant de constater que le premier est gratuit, alors que le second est presque le plus cher de tous. Ce dernier est néanmoins le seul a proposer une clé USB qui, si elle est retirée, bloque l’accès à l’internet.
Les moyens
Très proches en matières de filtrage, les produits jugés «satisfaisant» se distinguent par les options disponibles et un taux de surblocage inégal, allant de 3 à 90%…
Les moins bons
Avec un taux de filtrage particulièrement faible, les outils classés «insatisfaisant» présentent deux grandes surprises. Norton, référence en matière de sécurité internet, se place en queue du peloton. Et les deux moins bien notés, Kindersicherung 2005 et l’ICRAplus 1.3.2, qui affichent pourtant un taux de surblocage exceptionnel (0%).
Marc Carrard, responsable en analyse et développements informatiques chez Action Innocence, n’est pas surpris des résultats de Norton: «Ce n’est qu’une partie du logiciel de sécurité internet de la marque. Il n’est donc qu’un argument marketing. Quant au taux de surblocage de 0%, ce n’est pas une performance, mais plutôt une confirmation de l’incapacité de filtrage avérée de ces produits.»
Zeynep Ersan Berdoz
* Organisation contribuant à préserver la dignité et l’intégrité des enfants sur l’internet: www.actioninnocence.org
3 questions à Marc Carrard, responsable en analyse et développements informatiques
Quels sont les messages que les parents devraient faire passer à leurs enfants?
Ces messages doivent être simples et, surtout, ils ne doivent pas effrayer les jeunes internautes et leur enlever ainsi le goût de naviguer sur la toile. Il est aussi primordial de privilégier le dialogue. Les conseils de base sont les suivants: ne pas donner son identité, ni divulguer des informations comme son lieu d’habitation, le nom de son collège, etc. En fait, je comparerais ces messages à ceux que tous les parents donnent à leurs enfants lorsque ceux-ci jouent dehors avec leurs copains: «Ne parle pas aux inconnus», «ne sois pas provocant», «reste poli», etc…
Le prix des logiciels de contrôle parental n’a pas été pris en considération dans votre classement, pourquoi?
Nous avons privilégié avant tout des critères de sécurité et de fiabilité, celui du filtrage étant essentiel à nos yeux. L’ergonomie et la mise à jour nous semblent secondaires. Quant au critère de prix, nous l’avons effectivement laissé de côté, car ces outils sont très abordables, entre 0 et 150 francs au maximum.
Action Innocence innove dans le monde francophone en effectuant ce type de test. Quels sont vos objectifs?
Nous espérons devenir à terme un véritable centre de compétence dans le domaine et pourquoi pas un jour, arriver à la création d’un label. Nous sommes d’ailleurs prêts à travailler avec les éditeurs de logiciels pour leur proposer des améliorations.