Il est un domaine de la consommation particulièrement tabou: les marges réalisées par les grands distributeurs sur les produits alimentaires. Une enquête publiée dans notre dernière édition montrait que Coop et Migros achetaient les haricots bio 82 centimes aux producteurs pour les revendre jusqu’à sept fois plus chers dans leurs rayons, c’est-à-dire 6.60 fr. Dans cet exemple, la marge brute du supermarché est de 700%. Pour les pommes de terre Demeter, on arrive à 270%.

Que signifient ces chiffres? Pour le savoir, il est intéressant de les comparer à ceux de notre voisin français. Les charges sont certes moins chères de l’autre côté de la frontière, mais les prix également.

Contrairement à la Suisse, la France dispose d’un Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM). Sa mission? Eclairer le public, les acteurs économiques et les pouvoirs publics sur la répartition de la valeur des produits entre producteurs, industriels et distributeurs. Les études de cet Observatoire sont reconnues et s’appuient sur des données officielles.

Dans son dernier rapport pour 2022, l’OFPM estime les marges brutes de la distribution en grandes et moyennes surfaces, pour l’ensemble des rayons alimentaires frais, à 29,5% en moyenne. Ce chiffre tombe à 24,3% au rayon des produits laitiers.

Qu’en est-il du côté de Coop, Migros et les autres? L’enquête que nous publions dans ce numéro s’appuie sur un exemple concret et montre une marge brute de 194% sur une boisson à base de lait et de café: le Lattesso. Un produit élaboré par Cremo, deuxième plus grande entreprise de transformation du lait en Suisse (lire ici).

Il est bien évidemment impossible de tirer des conclusions concernant les marges globales des grands distributeurs sur la base d’un seul produit. Il en va tout autrement à la lumière des exemples que nous accumulons depuis plusieurs mois dans notre rédaction. Les prix que nous payons pour notre alimentation sont à l’évidence excessifs. Que ce soit pour la nourriture conventionnelle comme pour le bio, dont les récentes augmentations (lire ici) ne trouvent aucune explication convaincante. Certainement parce qu’il n’y en a pas d’autre que la recherche de profits. Contrairement à ce que clament en cœur ces entreprises.

Pierre-Yves Muller,
rédacteur en chef