Il y a un an, nous le sentions venir. Les hausses du coût de l’énergie et des matières premières, amorcées en automne 2021, allaient ouvrir la porte à des augmentations de prix dépassant largement les coûts engendrés par cette période de bouleversements: la pandémie d’abord, la guerre en Ukraine ensuite.

En clair, de nombreuses entreprises ont cyniquement vu une aubaine pour améliorer leurs marges. Un gain facile et inespéré, servi sur un plateau par un malheureux concours de circonstances. Et nous, consommateurs, en faisons les frais, aussi bien dans le domaine de l’alimentation ou des produits de première nécessité que dans celui de l’énergie.

Si les entreprises se défendent de tels agissements, parfois du bout des lèvres, l’absence de transparence sur les marges ou les coûts réels d’approvisionnement laisse un goût amer.

Les bénéfices publiés pour 2022 par plusieurs multinationales montrent que le contexte difficile de l’année écoulée ne l’a pas été pour tout le monde. Bien au contraire.

Nestlé (Thomy, Nesquik…), à chiffre d’affaires quasiment stable, a vu son bénéfice grimper de 1 milliard de francs pour atteindre 16,1 milliards en 2022. Unilever (Stocki, Coral...) a passé de 8,7 à 10,8 milliards de bénéfice. Le groupe L’Oréal de 6,3 à 7,5 milliards. Comment ces sociétés s’en sont-elles si bien sorties? Simplement par des augmentations massives sur de nombreux produits (lire ici), souvent justifiées par le coût des matières premières, les emballages, le transport, l’énergie...

L’absence de transparence ne touche pas que les grands groupes internationaux ou les produits industriels. Les marges prélevées par Migros ou Coop dans le domaine du bio, soigneusement protégées par le secret d’entreprise, donnent le vertige. Les factures des agriculteurs et des fromagers que nous nous sommes procurées pour notre enquête (lire ici) montrent, par exemple, qu’un kilo de pommes de terre Demeter, vendu entre 3.50 fr. et 3.70 fr. chez ces distributeurs, est payé 99 ct. au producteur.

Cette opacité, que certains s’obstinent à faire passer pour secret d’entreprise, n’est rien d’autre qu’un écran de fumée destiné à justifier des pratiques dont tous les consommateurs sont les victimes. Il serait temps qu’une surveillance digne de ce nom les protège.

Pierre-Yves Muller
Rédacteur en chef