L’information (soulignée par le dessin impitoyable de notre illustrateur Tassilo Judt à la page 16 de notre dernière édition) a fait réagir plus d’un lecteur: quand bien même un enfant a été élevé des années durant par le deuxième mari de sa mère, il n’est souvent, aux yeux du fisc, qu’une «pièce rapportée», qui sera donc taxée comme un tiers sans lien de parenté. Conséquence directe: alors que son demi-frère, né du couple recomposé, ne paie aucun (ou presque) impôt sur la succession, il va, lui, devoir laisser à l’Etat jusqu’à 54,6% d’un éventuel héritage!
Car les cantons ont, une fois encore, presque le feu vert pour établir qui paie quoi sur le plan fiscal. Alors que Schwyz a complètement renoncé aux impôts tant sur la succession que la donation, Genève se réserve plus de la moitié du legs s’il estime qu’il n’y a pas de lien de parenté. Or, à ses yeux, tel est bien le cas pour les enfants nés d’un premier mariage du conjoint ou pour la concubine, quand bien même elle aurait partagé la vie entière de son compagnon.
Pour cette dernière, le constat est cruel: alors que si elle avait été mariée, elle aurait été partout exemptée de taxe, elle va devoir laisser 213 696 fr. sur un legs de 400 000 fr. à la République et canton de Genève (voir tableau 1), mais aussi 200 000 fr. au canton de Vaud et 100 000 fr. à celui du Valais. C’est dans le canton de Berne qu’elle sera le mieux considérée, puisque, pour autant qu’elle puisse témoigner de 10 ans de vie commune au moins, elle ne laissera «que» 30 786 fr. au fisc.
Papa, maman, les frères, les cousins…
Pour les autres héritiers, tout dépend du lien de parenté avec le légataire. Depuis 2007, tous les cantons romands exonèrent les conjoints mariés, tout comme les enfants, Vaud et Neuchâtel limitant toutefois, pour ces derniers, leur générosité à un forfait de 250 000 fr., respectivement 50 000 fr. pour les successions, 50 000 fr. et 10 000 fr. par année civile pour les donations (entre vifs).
Les ascendants (parents) sont eux aussi exemptés dans quelques cantons: Fribourg, Genève et le Valais en Suisse romande. Partout ailleurs, ils sont taxés à un tarif «préférentiel», mais taxés tout de même (entre 3000 fr. et 8118 fr. pour une donation de 100 000 fr.: voir tableau 2). Il en va de même, à plus grande échelle, de tous les autres parents (frères et sœurs, oncles et neveux, cousins germains, etc.) et, à plus forte raison, des personnes sans lien de parenté ou considérées comme telles, qui – on l’a vu – peuvent voir leur héritage diminuer de presque 55%.
Valable (presque) partout
La preuve est donc faite: le fédéralisme, ici comme dans de nombreux autres domaines, n’est pas un vain mot! Il n’existe d’ailleurs pas d’impôts sur la succession ou la donation sur le plan fédéral. Tout est donc entre les mains des cantons, parfois des communes (vaudoises et fribourgeoises notamment). Il existe, cependant, des grands principes généraux, valables ou appliqués partout.
- C’est l’héritier ou le bénéficiaire d’un don qui doit éventuellement payer l’impôt, mais c’est le canton où le défunt avait élu domicile (pour la succession), ou dans lequel vit le bienfaiteur (pour la donation), qui a le droit de le prélever. Donc, une personne recevant un don d’un ami habitant Schwyz ne doit rien à personne, même si elle habite Genève centre! Une exception: pour les biens immobiliers, la taxe revient au canton dans lequel ce bien se situe.
- Si le donateur décide de payer lui-même l’impôt que son geste engendre pour le bénéficiaire, sa démarche ne sera pas considérée comme une donation supplémentaire. Il n’y a donc pas d’impôt sur l’impôt.
- La majorité des cantons retient les mêmes barèmes pour les donations que pour les successions. Genève est la seule exception en Suisse romande, mais certains cantons, Vaud et Valais notamment, accordent des franchises et des exonérations différentes.
- La loi fédérale sur le partenariat, entrée en vigueur en 2007, donne à peu près les mêmes droits à deux personnes de même sexe ayant fait enregistrer leur union auprès de l’Office d’état civil qu’à un couple marié. Neuchâtel va plus loin encore, puisqu’il reconnaît également le partenaire enregistré au sens de la loi cantonale, qui inclut aussi les couples hétérosexuels (après deux ans de vie commune au moins).
Pour aller plus loin:le guide des successions
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.