«En remplissant ma dernière déclaration d’impôt, j’ai réalisé que je ne pouvais plus déduire les 7200 fr. de pension alimentaire annuels et les conséquences que cela allait avoir sur mon budget». Depuis 1998, Julien Dura, père de quatre enfants et porte-parole du Mouvement de la condition paternelle Vaud (MCPV(1)), contribue à l’entretien de son fils, né d’un premier mariage, en versant 600 fr. par mois à son ex-femme. Dans un premier temps, cette somme était déductible; mais, en octobre 2009, son fils est devenu majeur, mettant ainsi un terme à cette «faveur».
Selon l’article 9 de la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID), le conjoint divorcé qui verse une pension alimentaire ne peut, effectivement, plus la déduire de ses impôts, aussitôt que l’enfant a 18 ans. Or, l’obligation de verser une telle pension subsiste bien souvent au-delà de la majorité, en cas d’études notamment. A l’inverse, celui qui a l’autorité parentale et reçoit cette aide pour élever l’enfant commun n’est plus imposable dès que celui-ci est majeur, car c’est alors lui qui est censé toucher directement la pension, laquelle est, le plus souvent, exonérée d’impôts.
Exemple chiffré
Pour illustrer ce propos, prenons le cas fictif de deux parents divorcés, Jérôme et Esther, calculé sur VaudTax2010. Le salaire annuel net du premier s’élève à 60 977 fr. (point 1 du tableau). La pension alimentaire qu’il verse à son ex-conjointe est de 8400 fr. 2 par année, l’équivalent de 700 fr. par mois. Les impôts de Jérôme s’élèvent à 8067 fr. 3 du moment que l’enfant est mineur, mais vont passer à 10 123 fr. 4 dès sa majorité.
De son côté, Esther, travaillant à 60%, reçoit un salaire net de 36 586 fr. 5. En y ajoutant les 8400 fr. versés par Jérôme 6, son revenu net s’élève à 44 986 fr. 7. Ses impôts, avant les 18 ans de l’enfant, sont de 1697 fr. 8 mais baissent à 397 fr. 9 à sa majorité.
Résultat: le revenu réel de Jérôme est ponctionné de 2056 fr. d’une année à l’autre, tandis que celui d’Esther est augmenté de 1300 fr. Et au passage, le fisc fait un gain de 756 fr...
Lourdes conséquences
Pour de nombreux pères de famille, ces milliers de francs qui, du jour au lendemain, ne sont plus déductibles, constituent un véritable problème, les impôts pouvant parfois doubler. Selon Julien Dura, les conséquences de cette loi sont multiples au niveau tant financier que psychologique. Il reçoit d’ailleurs régulièrement des appels de pères en situation précaire qui s’en plaignent.
Pour modifier la loi, qu’il juge injuste et discriminante, le MCPV désire lancer une pétition nationale. Pour le moment, il cherche à rallier les autres membres de la Coordination romande des organisations paternelles (CROP(2)). Et même à s’unir avec l’Association suisse pour la coparentalité (GeCoBi(3)), de l’autre côté de la Sarine.
Sur le plan politique, une initiative cantonale a été déposée au Grand Conseil vaudois, en juin dernier, par la présidente du Parti socialiste vaudois, Cesla Amarelle. Le texte demande au Conseil d’Etat d’intervenir auprès de l’Assemblée fédérale pour que cette dernière crée «les bases légales permettant la déduction fiscale générale de la contribution d’entretien d’un enfant majeur».
Pascal Broulis, chef du Département vaudois des finances et des relations extérieures a toutefois requis que l’initiative soit renvoyée en commission pour connaître le manque à gagner pour le canton. Du coup, elle ne sera étudiée qu’en septembre par le Grand Conseil vaudois qui devrait, selon toute vraisemblance, l’accepter. Si tel est le cas, d’autres sections cantonales du Parti socialiste entreprendront la même démarche.
Mais cela ne signifie pas pour autant que la partie est gagnée, car les Chambres fédérales doivent encore l’accepter. Or, jusqu’à présent, cinq motions de ce type ont déjà été étudiées par le Parlement et toutes ont été balayées!
(1) www.sospapas.ch – (2) www.crop.ch
(3) www.gecobi.ch
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.