Plus de deux milliards de francs! C’est le montant titanesque que les consommateurs suisses ont payé en trop depuis 2009 pour le roaming comparativement aux prix européens. Et cette somme continue d’augmenter à la vitesse de l’éclair, comme l’indique notre compteur en temps réel (Dossier roaming).
Dans un rapport récent, l’Office fédéral de la communication (Ofcom) reconnaît que les tarifs suisses d’itinérance sont particulièrement élevés: «Les SMS coûtent, en moyenne trois fois plus! Et les appels sortants et entrants à l’intérieur de l’Europe sont plus de deux fois plus chers que dans les pays de l’UE, soumis à une réglementation en la matière.»
Légiférer a du bon
«Réglementation»: voici le mot magique qui a fait chuter les prix du roaming chez nos voisins européens. Depuis 2007, les autorités de l’UE ont imposé aux opérateurs des plafonds, progressivement abaissés. Entre 2007 et 2013, le tarif maximal pour un appel sortant est ainsi passé de 0.49 € la minute à 0.24 €. En juillet, il descendra à 0.19 € .
Pendant ce temps, nos parlementaires fédéraux jouent au ping-pong! En 2011, directement inspirée d’une pétition lancée par Bon à Savoir, la conseillère nationale Ursula Wyss (PS/BE) avait déposé une motion demandant l’introduction de plafonds comme dans l’UE. Etonnamment, l’entrée en matière avait été plébiscitée par le Conseil national (181 voix contre 5), autorisant de sérieux espoirs sur le dossier. C’était compter sans l’opposition farouche de certains milieux allergiques à toute intervention étatique et du Conseil fédéral.
Dans un rapport, ce dernier estime que la cherté des communications mobiles à l’étranger s’explique par le fait que les opérateurs suisses doivent s’acquitter de prix de gros élevés auprès de leurs homologues européens. Selon nos ministres, imposer des plafonds en faveur des consommateurs sans revoir les prix de gros revient à affaiblir certains opérateurs en rognant sur leurs marges. Vous avez bien compris: nous sommes priés de continuer à payer trop pour engraisser les sociétés des télécommunications, alors que Swisscom, par exemple, a réalisé un bénéfice net de 1,762 milliard en 2012…
Fin du roaming en 2016?
Aux Chambres fédérales, le dossier patauge donc dans la gadoue. Après avoir été botté en touche par le Conseil des Etats qui l’a renvoyé au National, ce dernier vient de décider à son tour… de ne rien décider. Et d’ajourner les débats en attendant une étude complémentaire du Conseil fédéral, demandée par la Commission du Conseil des Etats. Résultat de ce ping-pong fédéral, rien n’a bougé, trois ans après le dépôt de la motion!
Pendant ce temps, la situation continue d’évoluer en Europe, même si les événements récents sont plus contrastés. Alors qu’il était carrément prévu de supprimer le roaming dans l’UE, l’été prochain, la Commission européenne a largement fait marche arrière. En résumé, dès juillet, les opérateurs n’auront plus le droit de taxer les appels entrants en itinérance. Pour les appels émis, ils auront le choix soit de ne plus surfacturer les appels de leurs clients quand ils sont à l’étranger, soit de leur permettre de souscrire à une offre locale sans changer de carte SIM.
Ces mesures sont jugées beaucoup trop frileuses par les associations de consommateurs. Neelie Kroes, commissaire européenne au Numérique, a donné une autre interprétation: «C’est bien la fin des tarifs d’itinérance à l’international. 2014 est une première fenêtre de tir pour les opérateurs qui souhaitent y aller progressivement en proposant d’abord des offres à leurs clients. En 2016, il y n’aura plus de roaming.» En Europe peut-être, en Suisse, c’est plus qu’improbable.
Sébastien Sautebin
ÉCLAIRAGE
Le client paie plus que sa consommation réelle
Non seulement les Suisses subissent des tarifs exorbitants de roaming, mais encore ils paient plus qu’ils ne téléphonent réellement. La raison? Les factures sont calculées à la minute entamée et non pas à la seconde. Ainsi, un appel en itinérance entrant ou sortant de 65 secondes est comptabilisé deux minutes. A 1.70 fr. la minute, par exemple, le consommateur payera 3.40 fr. pour 65 secondes au lieu de 1.84 fr.
Selon l’Ofcom, nous avons ainsi déboursé, en durée, 36,7% de trop pour les appels sortants et 34% de trop pour les entrants. La facture du roaming pourrait donc être réduite de plus d’un tiers si le calcul était basé sur les conversations réelles plutôt qu’à la minute. Les opérateurs nous ont rétorqué qu’il s’agit «d’une pratique usuelle dans la branche»...