«Soudain, ma vitre a littéralement explosé en mille morceaux. J’ai été très choqué. Heureusement, je n’ai pas perdu la maîtrise de mon véhicule.» Jean-Luc Simonet de Neuchâtel l’a échappé belle. Alors qu’il circulait sur la voie de gauche de l’autoroute A5, en chantier, entre Saint-Blaise et Cornaux (NE), une voiture qui roulait en sens inverse a provoqué une violente projection de gravillons. Au point que sa vitre gauche a éclaté.
Pas de conducteur fautif
Selon notre lecteur, qui respectait la limite imposée de 100 km/h, l’autre conducteur ne semblait pas circuler à une vitesse excessive. On ne pourrait donc rien reprocher à ce dernier, en regard de la loi sur la circulation routière (art. 61, LCR), qui précise que «l’un des détenteurs ne répond envers l’autre des dommages matériels que si le lésé fournit la preuve que les dommages ont été causés par la faute ou l’incapacité passagère de discernement du détenteur intimé (…) ou encore par une défectuosité de son véhicule».
Dans la pratique, si personne ne peut être tenu responsable, le lésé a la possibilité de recourir à son assurance casco partielle pour le bris de glace. Petit problème: notre lecteur n’en a pas, car son véhicule est ancien. Le montant des dégâts, relativement modeste mais pas négligeable (env. 400 fr.), est donc pour sa poire!
Cela étant, si l’autre conducteur ne porte aucune responsabilité, on peut se demander ce qu’il en est des auteurs du chantier. «Je pense qu’il n’était pas raisonnable d’autoriser une vitesse de 100 km/h sur un tracé parsemé de gravillons. La semaine précédente, elle était encore à 60 km/h et il y avait parfois déjà des impacts», déplore notre lecteur.
La faute à la Confédération?
Il s’est donc adressé à la Confédération, propriétaire des routes nationales et responsable de leur entretien (lire encadré). L’Office fédéral des routes (Ofrou) a refusé catégoriquement de prendre en charge les dégâts. «L’aménagement de ce chantier a été effectué dans le respect des prescriptions légales», estime Guido Bielmann, porte-parole de l’Ofrou, qui précise avoir minutieusement réexaminé le cas, à notre demande. En résumé, l’Office fédéral estime que les travaux de revêtement étaient correctement signalés et que le tronçon n’a été rouvert à la circulation qu’après une inspection et la mise en œuvre de toutes les mesures appropriées. «Aucun manquement à notre obligation de garantir la sécurité ne peut dès lors être démontré», conclut-il.
Guillaume Etier, avocat et membre du Réseau des avocats de la route, n’est pas aussi catégorique. «Il était de la responsabilité de la Confédération de fixer une limitation de la vitesse adaptée aux conditions de la route. Force est de constater qu’elle était sans doute trop élevée et que cela a pu avoir pour conséquence de provoquer le dommage.»
Il estime qu’une action en justice pourrait peut-être aboutir, avant de souligner: «Mais la question est de savoir si le montant du dommage, relativement faible, mérite qu’une telle démarche soit entreprise.» Les frais de procédure et d’avocat pourraient en effet atteindre quelque 5000 fr., alors que la réparation a coûté 400 fr.
Un risque financier susceptible de décourager de nombreux automobilistes.
Sébastien Sautebin
En pratique
Le propriétaire répond de l’entretien
Le propriétaire d’un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou par le défaut d’entretien (art. 58 CO). Cette obligation est valable pour les routes communales, cantonales et nationales. Dans la pratique, toutefois, les choses ne sont pas aussi simples. Si un conducteur endommage, par exemple, un amortisseur sur un nid de poule, mais qu’une signalisation adéquate prévenait du danger, il n’a aucune chance d’obtenir gain de cause. «Par contre, si le propriétaire ne l’a pas signalé, et qu’aucune mesure n’a été prise depuis des mois pour réparer le tronçon, alors que le problème est connu, l’automobiliste dispose d’un bon dossier», estime Guillaume Etier. Entre ces deux cas de figure, il existe toute une série de situations plus nuancées. Le cas échéant, il appartiendra au juge de décider en pesant tous les éléments. Il ne faut pas oublier que, en vertu de la loi sur la circulation routière (art. 32 al. 1), le conducteur est tenu d’adapter sa vitesse aux conditions de la route et qu’il doit ainsi s’attendre, en tout temps, à rencontrer des obstacles.