Penelope Shepherd et son mari adorent le bridge et sont donc ravis de pouvoir jouer sur Internet. Or, depuis des mois, ces clients du serveur Internet The Blue Window de Swisscom n’ont guère pu finir la moindre partie. «Dès le départ, j’ai constamment été interrompue, écrit Mme Shepherd à Swisscom. Je pourrais écrire un livre sur les diverses solutions suggérées par la hot-line...». Elle ajoute: «Rien n’a fonctionné. Or ni mon ordinateur, ni mon modem ne sont en cause. Et jamais je n’ai reçu la moindre excuse pour tous ces dérangements. Pourtant, à chaque déconnexion inopinée, je dois me reconnecter et donc payer. Si bien que ma facture est exorbitante!»
Notre lectrice du Pays d’En-Haut demande donc une réduction sur ses factures, estimant que la qualité des services de Blue Window ne vaut vraiment pas l’argent réclamé.
Imprévoyance
Ces déboires sont ceux de milliers d’utilisateurs (parmi les 150 000 que comptait Blue Window à fin octobre) depuis le début 1998: connexions interrompues ou impossibles, impossibilités de lire ou d’envoyer des e-mails, ordinateurs bloqués par les disques d’installation, etc.
Pour les observateurs avertis, Blue Window a grandi trop vite et sans prévoir correctement l’évolution du marché. Mais Swisscom préfère mettre en avant des facteurs extérieurs pour expliquer l’engorgement de son serveur: retard des fournisseurs, engouement imprévu de ses abonnés pour Internet et attaques de spam et de mail-bombs.
Après des mois de patience, certains utilisateurs estiment cependant que la farce a assez duré. Comme cet ingénieur qui a passé une annonce pour récolter les témoignages d’autres victimes de Blue Window. Objectif: constituer un dossier en vue d’une action en justice. En quelques jours, il comptait déjà une dizaine de réponses*.
Pour l’instant, Swisscom, qui a déjà reçu bon nombre de réclamations, n’envisage pas d’indemniser ses utilisateurs frustrés. «Nous sommes prêts à discuter de chaque cas», note cependant Jacques Bettex, porte-parole. N’hésitez donc pas à en faire la demande à titre individuel!
Plainte possible
Et si Blue Window répondait par la négative, vous pourriez envisager la voie légale. Pour connaître les dommages qui pourraient éventuellement vous donner droit à une indemnisation, nous avons soumis les conditions générales du provider à un avocat, Me Joël Crettaz, à Lausanne. Mais attention: ce n’est pas un avis de droit! A chacun de se renseigner en détail auprès d’un juriste sur les possibilités et chances d’une procédure légale.
- L’opérateur pourrait être poursuivi pour inexécution du contrat si ses clients n’étaient pas en mesure de se brancher sur Internet, de lire leur e-mail, pour des pertes de courrier électronique, des interruptions inopinées des liaisons, ou des problèmes d’installations du starter kit si ceux-ci l’empêchent de se connecter. Mais c’est à l’utilisateur de prouver que le problème ne provient pas de son équipement.
- La lenteur du service n’entraîne, elle, pas forcément un préjudice. Ou, du moins, un préjudice dont les suites financières seraient suffisamment importantes pour justifier une procédure.
- Le client doit aussi apporter la preuve de la mauvaise exécution/de l’inexécution, celle du préjudice subi et la preuve que le dommage a été causé par le défaut d’exécution. Il devrait alors pouvoir chiffrer le préjudice économique: p.ex. le manque à gagner entraîné par le retard d’un courrier, ou une note de téléphone élevée suite aux constantes déconnexions inopinées (demander une facture détaillée).
- Swisscom précise fournir ses services «dans les limites des ressources d’exploitation dont elle dispose». Ce qui laisse place à une multitude d’interprétations et pourrait conduire à exclure toute responsabilité de Swisscom en cas de réclamation concernant la qualité du branchement.
On peut s’interroger sur la valeur juridique d’une telle phrase au vu de la loi sur la concurrence. Mais à ce jour, personne n’a encore soumis ces conditions générales à la Commission de la concurrence**. Cependant, chaque client pourrait le faire, note Patrik Ducrey, responsable de la communication de la Commission: «Il suffit de décrire les problèmes rencontrés en tant qu’utilisateur et de joindre une copie des conditions générales de Swisscom.»
Enfin, il existe, bien sûr, la possibilité de changer de provider***.
Ellen Weigand
*Si vous souhaitez aussi témoigner, écrivez à Bon à Savoir. Nous transmettrons votre dossier.
**Effingerstrasse 27, 3003 Berne, (031) 322 20 40.
***Consultez p.ex. le site d’A Bon Entendeur (www.abe.ch) qui a réalisé une comparaison fouillée des fournisseurs d’accès.