La recette est simple: prenez des petits morceaux de viande, placez-les dans un tambour, ajoutez du sel, des épices et une poudre nommée «transglutaminase». Faites tourner le tout. Cette enzyme colle les morceaux et permet d’obtenir une grosse pièce de viande. Il est ensuite facile de lui donner différentes formes, par exemple celle d’un long tube qu’on découpera pour obtenir de «fines tranches circulaires de dinde»!
Nuggets, tranches panées, brochettes, etc., la viande reconstituée s’immisce discrètement dans les supermarchés. Elle reste toutefois bannie par certaines enseignes. Aldi, Casino, Coop et Denner affirment ainsi ne pas en vendre. Migros en propose «une petite quantité». Manor nous a en revanche livré une liste de dix produits reconstitués vendus dans ses rayons.
Cette présence discrète n’est guère surprenante et se fait l’écho de celle des consommateurs, peu enthousiastes à l’idée de manger des morceaux de viande «recollés» par leur jus ou par des enzymes (lire encadré).
Plus étonnant, leur prix n’est pas forcément attractif. Migros vend ses tranches de dinde reconstituée 24 fr./kilo contre 21.50 fr. pour de «vraies» tranches.
Eviter les pertes
Anton Epp, chef du Centre de compétence viandes SQTS, à Courtepin (FR), qui travaille avec Migros, précise que les éléments qui servent à faire de la viande de dinde reconstituée sont bien des morceaux de poitrine et pas d’autres parties moins nobles, d’où un prix qui peut rester élevé.
Dès lors, pourquoi recourir à ce procédé? D’une part, car il permet une utilisation maximale de la matière première en incluant les petits morceaux, alors que l’apprêt traditionnel occasionne pas mal de pertes et, d’autre part, parce qu’on peut donner une forme précise au produit, ce qui facilite son conditionnement.
Bien lire l’étiquette
La viande reconstituée n’est pas séparée clairement de sa cousine naturelle dans les rayons. Il faut donc lire attentivement les étiquettes. Le nom des denrées «collées» à la transglutaminase doit comporter le terme «reconstitué» et cette enzyme, susceptible de provoquer des réactions chez les personnes intolérantes au gluten, doit figurer dans la liste des ingrédients.
Pour les produits coagulés sans l’aide d’enzymes, la loi reste malheureusement très vague: elle exige simplement que le consommateur ne soit pas induit en erreur. Pour de la viande séchée, par exemple, l’intitulé peut préciser: «Produit constitué de morceaux de viande de bœuf fumé, à consommer cru». Une indication dont la clarté est pour le moins discutable.
Sébastien Sautebin
VIANDE RECONSTITUÉE
Avec ou sans enzymes
Il existe deux grandes façons de faire de la viande reconstituée, appelée aussi «restructurée». La première est naturelle: en plaçant la viande dans un milieu salé, on provoque un abaissement de l’acidité jusqu’à un niveau où les protéines coagulent, formant le nouveau tissu du produit.
La seconde méthode recourt à des enzymes, comme la transglutaminase, qui font office de colle. Les produits ainsi restructurés doivent être autorisés par l’OFSP et étiquetés en conséquence.