Le début de l’histoire est banal à en pleurer: une société basée à l’étranger (ici en Belgique) tente de placer sa marchandise (du vin en l’occurrence) par téléphone. Sauf que, dans le cas des Enfants de Bacchus, l’appel a eu lieu en 2011 et que c’est presque deux ans plus tard que deux lecteurs – sans lien – se voient rappeler une commande qu’ils n’ont pas souvenir d’avoir passée.
Lorsqu’ils le font savoir, des coups de fil de plus en plus insistants, voire menaçants, tentent de leur faire croire qu’ils n’ont pas le choix. Ils font alors appel à notre Service juridique, qui leur conseille de demander une preuve de la commande et, s’ils ne l’obtiennent pas, de simplement refuser la livraison (lire encadré). Or, après plusieurs échanges musclés (par téléphone et courriels) avec le représentant des Enfants de Bacchus, l’aveu tombe: il n’y a pas d’enregistrement de la conversation téléphonique, donc aucun moyen de trancher en faveur de l’un ou de l’autre.
Questions sans réponses
Nos lecteurs ont donc parfaitement le droit de refuser une livraison qu’ils assurent n’avoir pas sollicitée. Mais la société belge ne l’entend pas de cette oreille et leur affirme qu’elle obtiendra gain de cause. Elle est seule à le croire.
Elle a d’ailleurs refusé de répondre aux questions que nous lui avons adressées par écrit. Dommage, parce que cela lui aurait permis d’éclaircir plusieurs points qui ne parlent pas en sa faveur.
> Pourquoi l’œnologue de référence mentionnée dans le bulletin de livraison est une femme, alors que le représentant affirme avoir lui-même passé les coups de fil à l’époque?
> Pourquoi, dans ce même bulletin, est-il indiqué que la livraison sera assurée par une société suisse de transport qui ne travaille plus avec Les Enfants de Bacchus depuis 2011, comme nous l’a confirmé sa direction?
> Et, surtout, où la société belge se procure-t-elle les «grands crus» qu’elle vend entre 40 fr. et 50 fr. la bouteille?
Bénéfice de 500% au moins!
Du reste, la notion de «grands crus» fait bien d’être entre guillemets, car seul le prix le laisse accroire! Exemple: un des vins proposés, un Bourgogne Pinot Noir 2010 «récolté sur terre de Gevrey-Chambertin», est vendu 49.85 fr. Renseignement pris directement chez le producteur, la bouteille est une entrée de gamme cédée 5 € (6.25 fr.) aux grossistes et dont le prix de vente dépasse rarement les 8 € (10 fr.) dans les supermarchés. Comme le viticulteur français précise également qu’il ne connaît pas Les Enfants de Bacchus, on en déduit – faute de réponses à nos questions – que la société se fournit chez un intermédiaire et encaisse un bénéfice de 500% au moins, puisque la TVA et le transport sont facturés en sus!
Face à ce genre de marchandage non sollicité, ne perdez pas votre temps au téléphone. Un merci poli et sec suffit le plus souvent. Si ce n’est pas le cas, raccrochez simplement. Et, si l’interlocuteur a quand même le culot de vous imposer une commande improvisée, refusez-la catégoriquement (lire encadré).
Pierre Gumy
CE QUE DIT LA LOI
Sans contrat, aucune obligation!
Du vin doit vous être livré, mais vous n’avez aucun souvenir d’une telle commande? Commencez par refuser la livraison. Adressez-vous ensuite directement au vendeur et contestez le fait d’avoir conclu un contrat. Ce sera alors la responsabilité de la société en question d’apporter la preuve d’un éventuel accord de votre part (par exemple un enregistrement intégral de la conversation).
Si, par mégarde, vous avez accepté la livraison d’une commande que vous n’avez pourtant pas passée, cela ne vous engage pas davantage. Et, légalement, vous n’êtes pas tenu de renvoyer la marchandise. Il convient alors de la stocker et de prévenir la société afin qu’elle vienne rechercher ses cartons.
Dans le cas où le vendeur persiste à vouloir vous faire payer la marchandise, il n’est pas exclu qu’il vous menace de poursuite. Or, s’il est incapable de produire la preuve d’un contrat, il ne pourra pas aller bien loin. Même s’il vous notifie d’un commandement de payer, il vous suffira d’y faire opposition.