La possibilité de réparer et donc la durée de vie d’une machine sont fortement déterminées par sa conception. La très célèbre machine à coudre Bernina Record 530, produite à Steckborn (TG) à partir de 1954, ne connaît qu’un point faible : un pignon en plastique. Mais il est encore possible de le remplacer en 1998.
Au début des années 50, Fritz Gegauf a toutes les raisons d’être fier de fabriquer l’une des premières machines à coudre zigzag à bras libre. L’entreprise emploie alors quelque 1000 ouvriers. Elle est de loin le plus gros employeur de ce village de 3500 âmes. On mise alors sur la qualité totale: par exemple, la fourniture des pièces détachées est garantie pour 25 ans !
En réalité, toutes les pièces de rechange utiles sont demeurées disponibles jusqu’en 1997 (43 ans). Ce qui ne signifie pas que la Bernina 530 (ou les modèles qui suivirent jusqu’à la 730) ne peut plus être entretenue. Elle est si bien construite qu’un réglage régulier lui donne une espérance de vie prolongée de 10 ou 20 ans supplémentaires. Une seule pièce pose problème: un pignon en matière plastique qui généralement se brise bien avant tout autre composant. Faute de pouvoir l’obtenir chez Bernina, La Bonne Combine s’est donc résolue à le faire usiner dans un atelier de mécanique spécialisé: en laiton cette fois-ci! La rédemption pour des milliers de machines encore en activité dans les ménages helvétiques... Coût de la rénovation: 250 francs (le prix d’une camelote neuve).
Aujourd’hui Fritz Gegauf AG vend des «machines à coudre entièrement informatisées», mais n’occupe plus que 418 personnes à Steckborn (la holding Bernina s’est en revanche développée dans bien d’autres domaines). Dans 10 ans, si un microprocesseur ne peut plus être livré, il sera exclu de l’obtenir ailleurs ou de le faire produire à quelques exemplaires. Même si la qualité était la même, l’espérance de vie des nouvelles machines est probablement réduite d’un facteur cinq.
Le prix de vente de la Bernina 530 était de 800 francs en 1954, correspondant à environ un mois et demi de salaire pour un ouvrier qualifié. Le même investissement aujourd’hui représenterait 7500 francs. Il n’y a pas de doute, la qualité avait un prix...
François Marthaler
(*)La Bonne Combine - Réparations en tous genres - 4, rte de Renens – 1008 Prilly