Le 28 juin s’ouvre à Genève le 12e Congrès mondial du sida. Thème: franchir l’écart, en référence au fossé Nord-Sud en matière d’accès aux nouveaux traitements. Mais les discriminations touchent aussi les séropositifs des pays dits «développés» comme la Suisse.
Cas flagrant: l’assurance perte de gain (APG). Car, dans un arrêt publié le 12 mars dernier (confirmant une décision de 1990), le Tribunal fédéral des assurances stipule que la séropositivité est une maladie.
Ainsi, en matière de perte de gain, celui qui se sait atteint du virus VIH quand il contracte une telle assurance, doit l’annoncer (sauf dans de rares caisses). La compagnie peut dès lors refuser de l’assurer, ou émettre une réserve limitée, voire illimitée. C’est-à-dire qu’elle ne paiera pas ou seulement après une période définie, d’indemnité pour une incapacité de travail liée à la séropositivité.
La récente décision du TFA concerne la mésaventure d’un homme marié, père de deux enfants: à son engagement en avril 1993, ignorant que la séropositivité est assimilée à une maladie, il répond «oui» à la question «Etes-vous actuellement en bonne santé?» «Jusqu’au début 1994, je travaillais et j’étais en bonne santé», raconte-t-il dans un dossier* de l’OFAS, consacré au thème sida et assurances sociales. Mais début 1994, l’employé attrape une grippe. L’assurance ayant émis une réserve de 5 ans pour les maladies découlant du diabète dont souffre également l’homme, demande des précisions à son médecin. Lequel révèle alors la séropositivité du patient.
Exclu de la caisse
Le père de famille est aussitôt exclu de la caisse avec effet rétroactif au mois d’avril 1993, parce qu’il a «menti» sur le questionnaire. Révolté par cette décision, qui l’obligera d’ailleurs à recourir à l’aide sociale, il fait recours au TFA.
«Je vis encore sans maladie VIH, constate-t-il. Je ne peux et ne veux tout simplement pas croire que la séropositivité est une maladie. Si tel était le cas, pourquoi ne puis-je pas simplement arrêter de travailler et me «borner» à retirer l’AI? Aucun séropositif ne peut se permettre une réserve de 5 ans concernant la séropositivité. Comment prouver que la grippe ou une fièvre ne seraient pas aussi apparues si l’on avait été séronégatif? Aujourd’hui, je ne ferais qu’un test VIH anonyme, ce qui me permettrait ensuite de mentir.»
Comme le constate encore Florian Hübner, juriste du Groupe sida Genève: «Il faut tenir compte davantage de l’état de santé réel et non seulement d’un statut sérologique relativement abstrait. Le VIH n’est pas différent du reste: nous sommes tous des individus... individuels!» En effet, une personne infectée par le VIH peut rester apte à travailler pendant de longues années, alors qu’une autre peut rapidement ou momentanément devenir incapable de le faire.
Assurance obligatoire
C’est pourquoi l’Aide suisse contre le sida (ASS) réclame une assurance perte de gain obligatoire dans le cadre de la révision future de la LAMal. Depuis 1996, cette loi a introduit une forme d’APG, les indemnités journalières facultatives (la caisse doit assurer celui qui en fait la demande, mais peut opposer une réserve maximale de 5 ans). Cependant, ces indemnités sont insignifiantes (15 à 30 fr./jour). Les prestations privées sont, elles, bien plus avantageuses (en général 80% du dernier salaire), les compagnies pouvant exclure les «mauvais risques».
Par ailleurs, la Commission pour la sécurité sociale et la santé du National a invité le Conseil fédéral à examiner comment supprimer la discrimination des séropositifs dans le droit du contrat d’assurance, et dans la prévoyance professionnelle. Ce postulat est en examen à l’Office fédéral des assurances privées qui projette de réviser la loi fédérale sur le contrat d’assurance cette année.
En attendant, les personnes concernées ne peuvent que lire attentivement les conditions générales d’assurance. Mais attention, certaines ne stipulent pas explicitement les réserves pour maladies antérieures. Et en cas de doute, on peut s’adresser aux services juridiques gratuits du Groupe sida Genève et de l’ASS**.
Ellen Weigand
*Sécurité sociale 2/98.
**Service Droit et sida du Groupe sida Genève: Florian Hübner (022) 700 15 00, fax (022) 700 15 47, e-mail: [email protected]; lu-ve 9-12 h et 14-16 h . Le Groupe sida Genève offre également des conseils gratuits et anonymes sur Internet:
http://www.hivnet.ch/f/consult/Legal-forum.html Service assurances sociales, droit et VIH/sida de l’ASS: Kurt Pärli ((031) 301 68 68 fax (031) 301 68 83.