Le document transmis à Bon à Savoir par la doctoresse genevoise Laurence de Chambrier a de quoi choquer. «Réduire les primes, tout en faisant une bonne action», lit-on au-dessous de la photo d’une famille souriante.
Envoyé par l’Aide suisse pour la mère et l’enfant (ASME), établie à Bâle, le feuillet propose 10 à 40% de rabais sur les complémentaires des assurances Concordia, Intras, Provita et CPT. Les trois premières caisses offrent également une prime de naissance de 500 fr. Quant à la «bonne action» prônée par l’ASME, elle consiste en réalité en trois obligations: la personne intéressée doit bien sûr conclure au moins une assurance complémentaire avec l’une des caisses affiliées – qui rémunèrent l’ASME pour ses services. Mais elle doit aussi devenir membre de l’association et, plus grave, signer la «déclaration éthique de renonciation» (DER), qui interdit l’avortement, les diagnostics prénataux, la fécondation in vitro, les drogues et les cures de désintoxication à la métadone.
Privation de droits
fondamentaux
«Cette “charte” est tout, sauf éthique, s’insurge Laurence de Chambrier. Comme le disait Gandhi, “quand vous hésitez devant une action, demandez-vous ce qu’elle apportera de bien aux plus déshérités”. Un rabais de prime attirera les assurés en difficulté financière, qui signeront un accord les privant de certains droits fondamentaux en échange d’avantages financiers. N’est-ce pas sordide? C’est très préoccupant que les caisses maladies acceptent d’entrer en matière!»
«Contrat normal»
Interrogées sur cette étrange méthode de recrutement d’assurés, les caisses concernées avancent différents arguments. A la CPT, on estime ainsi que ce contrat collectif, conclu en automne dernier, est «absolument normal». Du côté de Provita, on se borne à souligner que le rabais proposé est de 25% pour toute la famille et concerne toutes les complémentaires, excepté le capital crédit sur le décès et l’invalidité. L’assurance Concordia, elle, nous a promis quantité de documents explicatifs qui ne sont jamais arrivés...
Intérêt commercial
Enfin, chez Intras, Michel Liebmann, chef du Département Assurance et membre de la Direction, admet que la caisse «n’a ni abordé le problème idéologique général, ni l’éventuelle singularité militante des adhérents de cette association, mais s’est avant tout souciée de l’intérêt commercial que présentait ce contrat.» Il affirme toutefois «surveiller de près les informations véhiculées par l’ASME, afin d’éviter de cautionner des propos en désaccord avec les valeurs, l’éthique et la philosophie d’Intras».
Mais un contrat collectif de ce genre est-il vraiment légal? Oui, répond Marc Léderrey, juriste à la section de la surveillance des assurances maladie de l’OFSP: «Dans le droit privé, la liberté des assureurs est très large. Ces derniers peuvent donc proposer des contrats d’assurance plus avantageux pour certaines catégories de personnes ou certaines associations. Par ailleurs, le texte explique clairement ce à quoi le client s’expose en signant.»
Signature piège
Encore faut-il bien connaître la loi! Car l’acceptation de la DER signifie renoncer aux prestations spécifiques incluses dans les complémentaires, mais aussi à celles proposées dans l’assurance de base. En revanche, le rabais n’est appliqué ni aux primes de l’assurance obligatoire, ni à certaines complémentaires, déterminées par le contrat collectif.
Laurence de Chambrier met donc le consommateur en garde: il est essentiel de demander immédiatement l’avis de son médecin lorsqu’on reçoit ce genre de document.
Véronique Kipfer