Cela fait quinze ans que Lionel Lovis est un fidèle abonné au magazine des éditions Sélection du Reader’s Digest. Mais depuis le début de l’année, il y a comme de l’eau dans le gaz. En janvier, Reader’s Digest lui a envoyé un livre volumineux, premier d’une série consacrée aux Grandes civilisations. Comme il n’en veut pas, il décide de le retourner par la poste en port dû. Mais au guichet il apprend que ce service n’existe plus (voir encadré).
Notre lecteur reste catégorique: «Je refuse de payer 5 fr. pour l’expédition d’un ouvrage que je n’ai pas demandé.» Et il a apparemment bien raison de s’entêter. Le Code des obligations prévoit en effet que le destinataire n’est pas tenu de renvoyer, ni de conserver, une chose qu’il n’a pas commandée. S’il s’agit manifestement d’une erreur, il doit cependant en informer l’expéditeur.
On tourne en rond
Depuis, le premier tome des Grandes civilisations traîne chez notre lecteur, qui a cessé de s’en préoccuper, jusqu’au jour où Reader’s Digest lui adresse un rappel. Cette fois, il prend la plume pour expliquer sa position. Le service-client lui répond qu’il peut soit conserver le livre et payer la facture, soit le renvoyer. Une réponse qui ne résout pas le problème initial de notre lecteur, qui refuse de débourser 5 fr. pour le renvoi. M. Lovis contacte alors notre rédaction.
Ensemble, nous essayons d’éclaircir l’affaire. Lionel Lovis est-il vraiment certain de n’avoir jamais accepté que Reader’s Digest lui adresse autre chose que son magazine? Car c’est bien là que ce situe le nœud du problème.
Les conditions générales de l’abonnement ne mentionnent pas cette éventualité, même pas en tout petits caractères. A quelle moment, notre lecteur a-t-il donc bien pu donner son accord?
Démarchage téléphonique
La société Reader’s Digest est-elle en mesure de prouver que Lionel Lovis a effectivement passé commande de cette série sur les Grandes civilisations? Non, car selon Tamara Tschuor, business manager de Reader’s Digest en Suisse, cela s’est fait
par téléphone. «En septembre 2001, Monsieur Lionel Lovis a reçu un appel de notre centrale téléphonique. Le compte-rendu mentionne que nous lui avons proposé notre nouvelle offre de série de livres.»
L’offre consiste en un premier ouvrage gratuit, présentant la collection. Ensuite, sauf avis contraire du client, Reader’s Digest envoie le premier volume payant. Mais là encore, on peut renoncer à son achat dans les dix jours en renvoyant le livre. «Après avoir expliqué tout cela à M. Lovis, écrit Tamara Tschuor, il s’est dit intéressé.»
Le hic, c’est que le client n’a aucun souvenir de cet entretien, bien qu’il ait effectivement reçu l’ouvrage gratuit.
Un peu de bonne foi
C’est donc sa parole contre celle de l’entreprise. On peut néanmoins se demander si les opérateurs de Reader’s Digest expliquent vraiment très clairement que l’absence de réponse équivaut à une acceptation de l’offre. Selon Tamara Tschuor, ces conditions ont été répétées trois fois à M. Lovis, dont une fois par écrit dans la lettre accompagnant l’ouvrage gratuit. Pourtant, il ne se souvient que de la version écrite. De son côté, notre lecteur, en tant que bon client de la société, aurait pu avertir plus tôt qu’il n’avait jamais passé une telle commande. Il reconnaît d’ailleurs qu’il aurait dû réagir plus vite: «Mais j’étais vraiment énervé de devoir payer l’expédition.»
Quoi qu’il en soit, Reader’s Digest ne peut pas prouver que M. Lovis a passé commande sur la seule base d’une conversation téléphonique. Face à la justice, tout reposerait alors sur la bonne foi des deux parties et il aurait toutes les chances de l’emporter. Reste qu’il ne vaut guère la peine d’entamer une procédure pour 5 fr. de port. Des frais que Reader’s Digest a, du reste, finalement accepté de prendre à sa charge.
Joy Demeulemeester
retour possible
Refuser et réexpédier
Le service d’expédition en port dû n’existe plus depuis le 1er juin 1999. Cette suppression condamne-t-elle le consommateur à payer chaque fois qu’il désire renvoyer un courrier ou un paquet à son expéditeur? Pas forcément.
Selon le Code des obligations, le destinataire n’est pas tenu de retourner une chose qu’il n’a pas commandée (voir article). Cependant, La Poste donne aussi la possibilité de refuser toutes les lettres et les colis remis en mains propres. Il suffit d’écrire sur l’envoi, non ouvert, «refusé» et de le réexpédier. La Poste se chargera alors d’encaisser les frais de port auprès de l’expéditeur original. Mais attention: si vous avez effectivement commandé quelque chose, l’expéditeur peut se retourner contre vous.
Enfin, les sociétés de vente par correspondance, par exemple, peuvent aussi opter pour le système d’envois dits commercial-réponses de La Poste. La réexpédition de la marchandise par le consommateur est alors à leur charge. Les conditions d’application de ce type d’envoi figurent normalement dans le contrat de vente.