Gérard arrive essoufflé à la réception, une mèche collée au front. «J’ai rendez-vous avec Monsieur, euh... votre chef du personnel.» – «C’est avec moi que vous aviez rendez-vous, à 9 heures. Je vous attends depuis 20 minutes...» Gérard part dans une longue explication: «Désolé du retard. J’ai dû amener les enfants chez leurs grand-parents à la dernière minute, car j’avais oublié notre rendez-vous. Et les gosses sont tellement habitués à m’avoir auprès d’eux toute la journée qu’ils ne voulaient pas me laisser partir.»
Durant cette tirade nerveuse, le chef du personnel a eu le temps de détailler Gérard, candidat à un poste de représentant. Le temps de remarquer sa chemise à moitié sortie du pantalon, la tache de dentifrice sur sa cravate et ses ongles sales.
Et déjà, le recruteur s’est fait une idée de divers aspects de la personnalité du candidat: l’explication du retard de Gérard le fait s’interroger sur son sens de l’organisation et sa ponctualité – indispensables pour un vendeur qui doit gérer les rendez-vous avec ses clients, dont il doit se rappeler les noms. De plus, la garde de ses enfants ne semble pas encore organisée et pourrait poser un problème en cas d’engagement rapide. Enfin, Gérard dit ses enfants habitués à le voir toute la journée: aurait-il passé sept mois de chômage sans faire de formation complémentaire ou d’autres activités?
On le voit, en cinq minutes à peine, notre Gérard fictif a multiplié les maladresses. Dans certaines entreprises, il aurait déjà gâché ses chances d’engagement. Car la première impression est cruciale, notamment pour se distinguer d’autres candidats.
Elena Portolès, sous-directrice du service du personnel de la SBS (Société de Banque suisse) à Genève, et Jacques-André Galland, responsable des ressources humaines aux UMV (Usines Métallurgiques de Vallorbe SA) nous ont expliqué comment ils évaluent leurs interlocuteurs durant l’entretien. Madame Portolès a de l’expérience dans le développement de cadres de haut niveau et le recrutement de jeunes diplômés universitaires. M. Galland est chargé d’engager aussi bien des ouvriers non qualifiés que des ouvriers spécialisés, des employés de bureau, etc., jusqu’aux cadres.
Quand commence l’entretien? Tout de suite! Le candidat est observé dès son arrivée: apparence, démarche, regard, sourire, poignée de main, manière de parler, ses gestes... sont autant de révélateurs de sa personne.
Vêtements et look à adapter – Se présenter en jeans à un poste de cadre ou en starlette dans une usine ne saurait constituer une bonne entrée en matière. Mieux vaut donc adapter sa tenue et son look au poste et à l’entreprise convoités, sans toutefois se déguiser.
Pas de pièges – L’entretien (qui peut être conduit sous forme de questions-réponses ou de discussion à bâtons rompus) n’est pas un test truffé de pièges. L’objectif du recruteur est, d’une part, de vérifier les données d’un curriculum vitae. S’il y lit par exemple «intérêt pour les lectures scientifiques», il pourrait demander: «De quand date votre dernière lecture du genre? De quoi traitait exactement l’article lu? Quel est votre avis sur la question?»
Des questions qui peuvent «coincer» un candidat sans que ce soit l’intention du recruteur. Voilà pourquoi il faut toujours garder à l’esprit, lorsqu’on mentionne une activité ou des connaissances dans son CV, que l’employeur pourrait en savoir autant, voire plus dans ces domaines.
D’autre part, des questions souvent inattendues et d’ordre personnel (voir encadré) permettent de cerner la personnalité et la rapidité de réaction d’un postulant. Exemples: Quels sont vos défauts? Comment vous mettez-vous en colère? Que feriez-vous si vous gagniez gros à la loterie?
Langage, expression – L’employeur est aussi sensible à la manière dont un candidat s’exprime. Il remarquera la répétition de tournures négatives, de phrases commençant par «je crois», «peut-être», etc., qui ne démontrent pas une grande assurance du candidat.
Ni épate, ni bluff – Un jeune diplômé universitaire qui se présente à une journée d’évaluation en limousine avec chauffeur (sic!) ne marquera pas forcément des points. Ce que souhaitent les futurs employeurs, ce sont des candidats na-tu-rels! De même, le bluff est vite démasqué pendant l’entretien. Même si les recruteurs avouent avoir été – rarement – bernés. Des erreurs qui peuvent coûter cher à l’entreprise et mener l’employé vers un échec inutile. Pour limiter ces erreurs de jugement, l’entretien est en général mené par deux personnes, voire plus (simultanément ou à tour de rôle).
Pas de monologue – L’employeur attend aussi des questions du candidat – sur l’entreprise et le poste proposé. Cela montre sa motivation et son intérêt pour l’emploi.
Salaire – Cette question est généralement abordée vers la fin de l’entretien (ou, s’il y a lieu, lorsqu’il y a plusieurs candidats valables ou pour des postes élevés
de cadres, lors du second entretien).
Le bon poste? Dans l’idéal, le candidat qui s’aperçoit que le poste n’est pas tout à fait adapté à ses souhaits devrait le dire, estime Mme Portolès: «Car tôt ou tard cela va se ressentir dans son travail et il risque un échec.» M. Galland est d’un autre avis. Vu la crise actuelle, il suggère de quand même accepter le poste: «Si les craintes se précisent pendant le temps d’essai, l’employé pourra toujours en parler et peut-être obtenir des changements. Cela permet d’acquérir une expérience supplémentaire et être déjà sur le marché du travail.» En fin de compte, c’est à chaque candidat d’apprécier la question selon sa propre situation.
Ellen Weigand
LES QUESTIONS LES PLUS FRÉQUENTES
Pour bien se préparer à l’entretien, il faut réfléchir aux réponses à donner aux questions suivantes, les plus fréquemment posées par les recruteurs*:
Personnalité: Décrivez vos qualités/défauts, points forts/faibles. Aimez-vous plutôt travailler seul ou en équipe? Quels sont vos loisirs?
Formation: Quelle formation avez vous choisie? Pourquoi? Avez-vous suivi une formation permanente?
Passé professionnel: Quel est votre parcours professionnel? Quelles ont été vos principales réalisations?
Quelles responsabilités avez-vous eues? Comment avez-vous organisé votre travail? Sur quelles machines avez-vous travaillé? Quelles techniques connaissez-vous? Vos tâches préférées? Vos plus grands succès/échecs? Pourquoi avoir quitté ce poste? Pourquoi avez-vous été licencié?
Objectifs professionnels: Comment vous voyez-vous dans 5/10 ans? Que feriez-vous si vous aviez l’occasion de vous former davantage?
Motivations: Pourquoi avez-vous répondu à notre annonce? Qu’est-ce qui vous motive dans ce poste et pourquoi? Qu’en attendez-vous? Comment vous imaginez-vous votre travail? Qu’attendez-vous d’un chef/de vos collègues? Avez-vous fait d’autres démarches? Lesquelles/dans quel domaine? Depuis combien de temps cherchez-vous du travail? Quel serait notre intérêt à vous engager?
Situation privée: Etes-vous marié(e)? Avez-vous des enfants? Comptez-vous en avoir? Comment est organisée la garde de vos enfants? Faites-vous du service militaire? etc.
* tiré de Licenciement, chômage: vos droits, Michel Cornut, Edna Didisheim. Editions d’En bas, dernière édition 1997.
PRATIQUE
Conseils d’experts
Les formatrices d’adultes de l’OSEO (œuvre suisse d’entraide ouvrière) du canton de Vaud prodiguent des cours de recherche d’emploi aux chômeurs. Elles expliquent comment se préparer à un entretien d’embauche.
Connaître sa valeur: avant l’entretien, faire un bilan (voir BàS 1/98) pour mettre en évidence ses points forts, réalisations et succès, professionnels ou non professionnels. Ainsi on sera capable de les exprimer, d’argumenter durant l’entretien pour parler de soi et de ce qu’on vaut.
Connaître l’entreprise: pour montrer sa motivation et son intérêt, il faut d’abord se renseigner sur l’entreprise convoitée, par exemple par téléphone ou en demandant une plaquette de présentation, un rapport d’activités, etc.
Préparer ses réponses: réfléchir aux questions délicates (voir encadré p. 28) et s’exercer à répondre, par exemple avec un ami pour ne pas être pris au dépourvu à l’entretien. Formuler des réponses courtes (pas plus de 2 min.).
Réponses positives: tournez vos défauts ou échecs à votre avantage: «Je suis désorganisé, mais mon agenda est très organisé» ou «Le litige avec mon dernier employeur m’a été bénéfique, car j’ai appris à gérer les conflits».
Définir les termes utilisés: «Je suis ponctuel» peut être interprété comme: il part donc toujours pile à l’heure. Au contraire: «Je suis ponctuel et n’arrive jamais en retard à un rendez-vous», est ressenti positivement.
S’adapter à l’interlocuteur: le recruteur n’est pas toujours un professionnel et est parfois aussi nerveux que vous. C’est pourquoi il est important de toujours se mettre à son niveau, par exemple parler doucement s’il parle doucement, ne pas utiliser des termes spécialisés s’il n’est pas un expert, etc.
Après l’entretien: être au clair sur la suite: le recruteur rappellera-t-il? Quand? Deuxième entretien? Ecrivez-lui un petit mot pour
le remercier deux ou trois jours après, de vous avoir reçu. Cela montre votre intérêt et permet de glisser peut-être encore des informations sur vous-même.
En cas de non-engagement: ne pas le considérer comme un échec, mais faire une auto-évaluation. Et se dire que si on n’a pas été choisi, c’est que le poste n’était pas celui qu’il vous fallait.
Cours préparatoires: il existe des cours de préparation à l’embauche, dont le coût est d’ailleurs pris en charge par les caisses de chômage (qui dispose des adresses) pour les demandeurs d’emploi.