Soyons francs: vérifier le décompte de charges envoyé chaque année par le bailleur n’est pas l’activité la plus amusante qui soit. Pourtant, le diable se cachant dans les détails, il arrive que le document inclue, volontairement ou non, des factures qui ne devraient pas y être. Vérifier un décompte, c’est tout simplement s’assurer qu’on ne paie que ce qu’on doit. Mais que doit-on vraiment? Si l’on se réfère au Code des obligations (art. 257a CO), les charges, appelées aussi frais accessoires, «sont dues pour les prestations foumies par le bailleur ou un tiers en rapport avec l'usage de la chose». Cela comprend généralement les frais de chauffage et d’eau chaude, l’électricité des locaux communs, le service de conciergerie, etc.
Dans le bail
Dans la pratique, les frais accessoires ne peuvent être facturés aux locataires que si cela a été expressément convenu. La plupart des contrats de bail dressent ainsi une liste des charges incombant à ces derniers. Elle doit figurer dans le contrat lui-même et pas dans une annexe non signée. La liste doit aussi être précise. Une clause stipulant, par exemple, que le locataire est tenu de supporter «toutes les charges» ou les «divers» n’est pas valable. Ainsi, et c’est là un élément essentiel, les frais qui ne sont pas clairement mentionnés dans le contrat sont à la charge du bailleur et non du locataire.
Document détaillé
Le décompte annuel doit comporter des rubriques détaillées et chiffrées, le montant total des frais comptabilisés ainsi qu’un tableau de répartition entre les locataires. Lorsqu’il n’existe pas de règles précises, c’est le bon sens qui permettra de juger du caractère raisonnable de la clé de répartition utilisée par le bailleur. Dans ce cas, la grandeur des appartements peut raisonnablement servir de base pour les frais relatifs à l’eau consommée, la taxe d’épuration ou pour l’enlèvement des ordures ménagères. A noter aussi que seules les dépenses réellement effectuées par le bailleur peuvent être comptabilisées: une ristourne ou un rabais qu’accorderait, par exemple, un fournisseur de mazout doit bénéficier aux locataires.
A réception
Que faut-il faire à réception du décompte? S’assurer d’abord qu’on a reçu un document détaillé, accompagné du tableau de répartition, et que les charges facturées soient bien indiquées dans le bail. Un exemple classique est celui de la taxe d’épuration, que certains bailleurs facturent, alors qu’elle ne figure pas dans le contrat.
On s’assurera également que les dépenses qui n’appartiennent pas à la catégorie des frais accessoires n’ont pas été comptabilisées. Cela concerne notamment:
- les dépenses liées à l’entretien ou à la rénovation des locaux, comme la réparation des fenêtres ou le remplacement d’une moquette usée;
- les frais sans rapport avec l’usage de la chose louée, comme l’impôt foncier, les intérêts hypothécaires ou les primes des assurances.
En cas de problème
L’examen d’un décompte se révèle parfois complexe. En cas de doute, il peut être opportun de le soumettre à un spécialiste, comme l’Asloca.
Si un point paraît suspect, le locataire a le droit de consulter les pièces justificatives (bulletins de commande, factures, etc.). Il peut alors se faire remettre des copies ou consulter les documents chez le bailleur. Point important: cette consultation doit pouvoir se faire à proximité de son domicile. Ainsi, une régie zurichoise ne peut exiger qu’un locataire genevois se déplace jusqu’à ses bureaux. Dans ce cas de figure, elle lui enverra les justificatifs gratuitement.
Si le bailleur refuse de remettre des pièces justificatives ou le décompte lui-même, il est recommandé de s’adresser à l’Asloca ou de saisir l’Autorité de conciliation. Il en va de même en cas d’erreurs ou d’inexactitudes préalablement signalées par le locataire et non corrigées par le bailleur.
De nombreuses régies indiquent un délai de recours de 30 jours. Or, ce délai n’est pas contraignant: les montants payés à tort peuvent être récupérés pour les dix dernières années. Dès la découverte de l’erreur, le délai pour agir en justice est d’un an.
Sébastien Sautebin
Pour en savoir plus: «Le guide pratique du locataire», édité par Bon à Savoir et l’Asloca.