Peut-être avez-vous déjà assisté à une soirée-vente chez une copine. Vente de bijoux, crayons ou bougies, les occasions ne manquent pas de se retrouver entre amis, dépenser quelques sous et ainsi offrir à la copine-hôte des points-bonus ou un bijou à l’œil… Mais attention, tous les réseaux de vente ne sont pas aussi innocents. Certains peuvent même détruire moralement ou financièrement un ménage jusque-là sans histoire.
Distributeurs Amway
Basé sur le même principe de la copine qui invite, la société de formation Network 21 recrute activement en Suisse romande. Les «élèves» sont des distributeurs de produits de consommation courante estampillés Amway, le géant américain du marketing de réseau.
Du dentifrice aux produits de ménage en passant par des outils de jardin, ces produits, dits écologiques, ne sont pas vendus dans les commerces traditionnels. Et pour cause, puisqu’en recrutant de nouveaux vendeurs chaque distributeur touche une commission qui grossit à mesure que la chaîne s’allonge (lire encadré).
Aux Etats-Unis, en Europe et depuis peu en Suisse, Network 21 remplit les salons des grands hôtels d’auditeurs de tous âges, de tous milieux et des deux sexes. Rien qu’à Lausanne, tous les quinze jours, une quarantaine de candidats accompagnent un voisin ou un copain déjà membre à une séance de présentation. Membre du réseau Network 21, le Fribourgeois Daniel Isoz, s’y exprime avec aisance et conviction: «En travaillant environ dix heures par semaine pendant deux à cinq ans, vous pourrez gagner entre 3000 et 15 000 francs par mois, a-t-il ainsi affirmé sans ambages à une soirée où s’est rendue la soussignée. Vous aurez alors tous les privilèges d’un indépendant et bénéficierez de l’appui de Network 21.»
Cet appui s’obtient grâce à l’achat de livres, de cassettes, de vidéos, de CD-ROM ou encore à la participation à des séminaires consacrés aux techniques de vente ou au développement personnel. Malgré un prix unitaire raisonnable – un séminaire d’une journée à Lucerne ne coûte que 22 fr., hors trajet – le cumul des achats peut très vite grever un petit budget.
Isolement
Sur Internet, c’est par centaines que des victimes du système Amway, autour duquel gravite Network 21, évoquent leurs malheurs (il suffit de taper Amway+cult ou +arnaque dans un moteur de recherche pour découvrir des sites en anglais ou en français). En tête des préoccupations arrivent l’investissement en formation, mais aussi l’exclusion sociale: «Comment voulez-vous bâtir votre commerce sans recruter dans votre famille, parmi vos amis ou vos collègues? On en arrive à couper les ponts avec son entourage et à ne tisser des liens qu’avec des IBO (Independant business owners)», confie la Vaudoise Annette*.
Succès et temps
Helen Kuhn, porte-parole suisse d’Amway, récuse tout lien avec Network 21, même si elle admet régler les commissions des vendeurs: «Network 21 est une organisation séparée et indépendante d’Amway, même si elle propose des séminaires de formation utilisés par certains de nos distributeurs. Mais chacun fixe ses propres objectifs et décide de quelle manière et dans quelle mesure il veut construire son commerce. Le succès est bien entendu dépendant du temps consacré.»
Cette réserve n’étonne pas Daniel Isoz de Network 21: «Les responsables d’Amway ne peuvent pas approuver un système de formation qui ne dépend pas d’eux et dont ils ignorent les méthodes, puisque nous ne sommes en Suisse que depuis quatre ans.»
Il n’empêche. Ghislaine Cestre, professeur de Marketing à HEC Lausanne, s’interroge sur la valeur morale des messages véhiculés: «Ils donnent de faux espoirs aux distributeurs quant à l’ampleur des revenus potentiels et cela encore plus dans la période économique actuelle.»
Zeynep Ersan Berdoz
* Prénom d’emprunt
Amway, comment ça marche?
Effet boule de neige pas garanti
Naviguant en eaux troubles tout en veillant à rester dans la légalité, le réseau Amway est très proche du jeu de l’avion, pourtant illégal en Suisse. Ce qui l’en distingue, c’est l’absence d’une importante mise de fonds initiale. Les règles du jeu sont simples: chaque commande de produits de consommation quotidienne Amway équivaut à un certain nombre de PV (un Point Valeur vaut 2,20 fr.).
Si un membre trouve six foyers dépensant chacun 100 PV par mois, il touche une commission de 6%. Si ces six foyers en recrutent chacun quatre nouveaux, achetant également pour 100 PV mensuels, la commission du premier grimpe à 12%. Si la chaîne se poursuit et que ces quatre foyers en recrutent chacun à nouveau trois, la commission du premier atteint le plafond de 21%. A l’issue de quoi le membre devient leader de sa pyramide et touche alors régulièrement un bonus de leadership de 4% sur les PV dépensés par les membres recrutés…
Réglée comme du papier à musique, cette chaîne paraît parfaite. Mais dans les faits, les chances d’atteindre le seuil de rentabilité sont extrêmement minces.