Lorsqu’un individu devient incapable de gérer ses affaires au point de détériorer gravement sa situation, les autorités peuvent lui retirer ses droits civils et lui attribuer un tuteur professionnel ou privé. Celui-ci est alors tenu de prendre soin de la personne, d’administrer ses biens et de la représenter dans les actes civils.
Les problèmes les plus lourds (troubles psychiques, ivrognerie sévère, prodigalité, mauvaise conduite, etc.), sont généralement laissés aux mains des experts. Quant aux cas moins graves, ils peuvent être confiés à des privés. Les autorités tutélaires cherchent d’abord à les attribuer à des proches parents.
Seulement voilà: les conflits d’intérêts familiaux étant légion, les autorités n’ont parfois d’autre choix que de sélectionner des citoyens ordinaires. Et, à moins d’avoir de sérieux motifs (comme être soi-même sous tutelle, avoir un casier judiciaire ou des poursuites), n’importe quel citoyen peut se voir attribuer cette tâche. Il s’agit, en effet, d’un devoir civique, au même titre que le service militaire.
Vaud en profite largement
Cependant, les privés sont rarement obligés d’accepter cette fonction, sauf dans le canton de Vaud. Ce dernier est le seul
à appliquer la réglementation à la lettre, réalisant ainsi de belles économies (les tuteurs privés n’étant indemnisés, jusqu’ici, que de 450 fr. par an). Dans le canton de Vaud, près de 11 000 personnes sont sous tutelle (ou curatelle, une forme d’assistance plus légère). Parmi celles-ci, plus de 7500 sont traitées par des privés.
Un tuteur sur cinq s’oppose à sa désignation, mais rares sont ceux qui parviennent à y échapper (lire l’encadré). En témoigne Andrea Eggli, conseillère communale lausannoise: «De nombreux élus sont désignés tuteurs, sous prétexte qu’ils sont dévoués à la chose publique. Mais la charge est souvent trop lourde», déplore Mme Eggli, qui a créé le Groupe action tutelles, réclamant une plus grande souplesse des autorités. Après de longs mois de procédure et d’entêtement, la justice l’a condamnée pour «insoumission à une décision d’autorité» et lui a retiré sa tutelle. Le prix de cette libération: 975 fr. d’amende et frais de justice.
Le canton reconnaît que certains cas, trop lourds, ne devraient pas être attribués à des privés, mais l’Office du tuteur général est surchargé (chaque employé y gère plus de 60 pupilles). Des aménagements sont cependant prévus et, depuis quelques années, les privés bénéficient d’un meilleur soutien via un site internet* et un bureau de conseil. Par ailleurs, la rétribution des tuteurs vient d’être augmentée à 850 fr. par an. Mais sur le fonds, le principe de la nomination de tuteurs privés reste inchangé.
Future loi identique
Une révision du droit tutélaire, vieux de près d’un siècle, est prévue pour 2010. Mais on sait d’ores et déjà que les privés seront toujours mis à contribution, y compris au-delà de 60 ans. La disponibilité des futurs tuteurs devrait toutefois être mieux prise en compte. Car les personnes assistées elles-mêmes ont tout intérêt à être représentées par des répondants disponibles et volontaires.
Yves-Alain Cornu
*www.vd.ch/justice > Tutelles et curatelles; autres cantons: www.guidesocial.ch
ce que dit la loi
Rares possibilités de dispense
Une fois désigné tuteur, le citoyen dispose de quelques rares possibilités de dispense:
> avoir l’autorité parentale sur plus de quatre enfants;
> être âgé de 60 ans révolus;
> être déjà chargé de deux autres tutelles ou d’une seule particulièrement absorbante;
> souffrir d’infirmités corporelles empêchant l’exercice de la tutelle;
> plus rare encore: être membre du Conseil fédéral ou de certaines hautes fonctions cantonales.
Si un tuteur vient à entrer dans une des catégories de dispense ci-dessus, il devra néanmoins exercer sa fonction jusqu’à son terme. La tutelle est reconduite indéfiniment par périodes de deux ans, mais le tuteur a le droit de l’arrêter au bout de quatre ans.