Joseph Noirjean, employé du canton du Jura à 50% et agriculteur le reste du temps, est encore sous le choc: à la fin juin 2002, il reçoit une lettre de l’UBS lui annonçant la résiliation de son hypothèque de 300 000 fr. pour le 30 septembre de la même année. A cette date, l’intégralité de la somme doit par conséquent être remboursée! L’UBS explique succinctement avoir pris sa décision après «l’examen du bouclement comptable pour l’année 2001 et le budget 2002». En clair, la situation financière du bénéficiaire du prêt est précaire.
Au début 2003, Joseph Noirjean n’a rien remboursé du tout: il est toujours en pourparlers avec la banque. «A mon avis, explique-t-il, l’UBS n’a pas accepté que je remplace mes vaches laitières, devenues peu rentables, par des autruches. Pourtant, les paiements directs que je reçois suffisent à payer les intérêts de mon hypothèque, et mon domaine (une ferme et un terrain de 140 000 m2 ) est une garantie suffisante.»
Le petit agriculteur jurassien fait preuve d’un dynamisme certain dans la région, avec l’élevage d’une quarantaine d’autruches, mais aussi des activités de tourisme rural. L’UBS ne le conteste pas, mais continue d’invoquer l’équilibre instable des finances de Joseph Noirjean, qui ne lui permettent pas de payer régulièrement les charges du prêt. «Il est vrai que la banque exigeait le versement des intérêts tous les trois mois, alors que je ne recevais les paiements directs que tous les six mois. Mais ceux-ci parvenaient aussitôt à la banque, qui me facturait des intérêts de retard. D’entente avec ma banque, cela fait onze ans que cela se passe ainsi!»
Deux types de clients
Joseph Noirjean est en train de l’apprendre à ses dépens: même s’il porte sur des sommes importantes, le prêt hypothécaire est un contrat… comme un autre. Les parties peuvent se retirer à leur guise, pour autant qu’elles respectent les conditions contractuelles. Concrètement, pour des raisons commerciales, les banques ne se débarrassent pas d’un client sur un coup de tête. Mais force est de constater qu’un petit indépendant qui monte son affaire est traité avec davantage de circonspection qu’un salarié qui emprunte pour construire une villa familiale. Le premier sera tenu de présenter régulièrement sa comptabilité et verra la valeur de ses biens fréquemment recalculée. Le second, qui verse chaque mois son salaire sur un compte de la banque prêteuse, sera considéré comme un client sûr aussi longtemps qu’il paiera les charges de l’emprunt (intérêts et amortissement).
Paysans en difficulté
Les paysans forment une catégorie particulièrement menacée. «Avec la libéralisation, le statut de l’agriculture s’est fragilisé, constate Jean-Marie Aubry, responsable du Centre de vulgarisation agricole du Jura, qui assiste les paysans dans leurs tâches de gestion. Les banques sont de plus en plus dures dans le règlement des affaires. A leurs yeux, l’entreprise agricole représente une garantie toute relative, car difficile à vendre en cas
de problèmes. Heureusement qu’il existe encore des petites banques de proximité pour faire confiance aux agriculteurs.»
Suzanne Pasquier
Résiliation d’une hypothèque
Les conditions de résiliation d’un prêt hypothécaire doivent figurer dans le contrat ou dans les conditions générales de la banque, auxquelles renvoie le contrat. Elles sont différentes selon le type de taux, variable ou fixe.
⇨ Hypothèques à taux variable: le contrat, de durée indéterminée, est généralement résiliable par les parties moyennant un préavis de six mois (par exemple à la Banque Cantonale Vaudoise, à la Banque Migros ou au Crédit Suisse). Certaines banques, comme la Banque Cantonale Neuchâteloise, limitent ce délai à trois mois.
⇨ Hypothèques à taux fixe: le contrat est résiliable à l’échéance de la période pour laquelle le taux hypothécaire est fixé (en général deux à cinq ans). Si le client veut le dénoncer avant, il devra s’acquitter de pénalités.
Résiliation anticipée: la banque peut y recourir si le client ne s’acquitte pas des charges du prêt (intérêts, amortissement). C’est souvent le seul motif qui figure noir sur blanc dans le contrat. Mais la banque mettra aussi éventuellement un terme au contrat si les immeubles mis en gage perdent de leur valeur, ou, comme l’écrit l’UBS dans ses conditions générales, si «la situation financière et/ou le niveau des revenus du client se sont détériorés ou qu’une telle évolution est à prévoir».
Paiement des intérêts: il est exigé deux fois par année dans presque toutes les banques. L’UBS et le Crédit Suisse prévoient des versements trimestriels.