Bonne nouvelle pour tous ceux qui aiment le vin et veulent respecter au mieux la nature: le vin bio est tout ce qu’il y a de plus bio! Une grande étude menée par le Service de protection de la consommation genevois (SPCo) et rendue publique ce jour le prouve clairement. Sur les 69 vins biologiques que ses chimistes ont analysés, une petite moitié (32) ne contenait strictement aucune trace de pesticides, ce qui est tout à fait remarquable lorsqu’on sait que le moindre souffle d’air suffit à les pousser d’un champ agricole voisin sur une vigne non traitée. Et 29 autres bouteilles n’en contenaient que des traces très infimes, soit entre 1 et
5 microgrammes (un millionième de gramme). La concentration la plus importante s’élevait à 34 microgrammes par litre. Pour comparaison, la majorité des 80 bouteilles de vin traditionnel analysées parallèlement par le SPCo affichaient une concentration totale en pesticides variant entre 50 et 600 microgrammes, ce qui reste cependant bien au-dessous des limites autorisées.
Confirmation
Le test complémentaire que nous avons commandé au SPC avec la rédaction de On en parle (RSR, La Première) confirme cet heureux constat: toutes les bouteilles achetées anonymement auprès de dix viticulteurs biologiques de Suisse romande ne contenaient que des traces très faibles de fongicides, entre 2 et 19 microgram-mes (voir tableau ci-dessous). «A ce stade, commente Claude Corvi, chimiste cantonal genevois et coordinateur tant de l’étude du SPCo que de notre test, il ne fait aucun doute, à l’exception d’un cas, qu’il s’agit d’une très faible contamination, vraisemblablement atmosphérique et que tous les vignerons ont parfaitement respecté leur cahier des charges.
»Les vins bio contenant plus de 10 microgrammes par litre de pesticides méritent toutefois un léger bémol. Ils sont sujets à des contaminations plus importantes, peut-être dues à des distances insuffisantes entre les cultures bio et des cultures traditionnelles, ou à l’emploi en commun de matériel agricole (comme un pressoir) entre un producteur classique et un producteur bio. Ce sont des contaminations qui peuvent être certainement réduites à la source dans l’exploitation. Mais l’origine de ces problèmes est souvent difficile à identifier.»
Le cahier des charges de Bio suisse interdit en effet l’utilisation des herbicides, engrais chimiques, insecticides et fongicides de synthèse. Il favorise en revan-che l’enherbement (entre les rangs) et l’enrichissement des sols avec des matières organiques (fumier, marc, compost, etc.). «La viticulture biologique, souligne Willy Cretegny, vigneron (domaine de La Devinière) et président de Bio-Genève, est surtout profitable au sol, aux nappes phréatiques et aux cours d’eau. Puis, par prolongement, à la plante, et donc, finalement, au raisin et au vin. Mais cela ne s’arrête pas là…» Une façon modeste d’expliquer qu’une telle démarche est forcément issue d’une prise de conscience globale, et surtout pas d’une recherche du profit.
Quatre fongicides
Et c’est vrai qu’il en faut, de la conviction, pour faire l’impasse sur les 154 pesticides que le SPC a cherchés tant dans ses 150 échantillons que dans les dix bouteilles de notre test. Au bout du compte, il n’a donc trouvé que d’infimes traces de plusieurs fongicides:
• cyprodinil et fenhexamide (lutte contre le botrytis, toxiques pour les poissons);
• azoxystrobin (lutte contre les maladies de la vigne Black-Rot, excoriose, mildiou et oïdium);
• pyrimethanil (lutte contre le botrytis également).
«Inutile de faire un classement, assure Claude Corvi, tous ces vins méritent amplement l’appellation bio!» Le chimiste est d’ailleurs agréablement surpris: «Suite à d’autres études menées sur certaines cultures biologiques, nous nous attendions à des résultats plus nuancés, entre autres avec certains cépages réputés fragiles. Or, nous n’avons constaté aucune différence remarquable.»
Vinification sous contrôle
Un résultat d’autant plus méritoire lorsque l’on sait que les vins biologiques suisses – contrairement aux vins européens qui sont seulement «issus de l’agriculture biologique» –, ont aussi un cahier des charges précis pour la vinification, exigeant non seulement une hygiène parfaite, mais encore l’utilisation de techniques économisant l’énergie et l’élimination des déchets.
C’est d’ailleurs durant cette délicate phase de transformation que va se jouer la carte de la qualité. «Nous souffrons encore, estime Willy Cretegny, de l’époque pionnière où les écologistes, français surtout, cultivaient certes du raisin biologique, mais ne savaient pas le vinifier et ont produit de véritables piquettes, toujours dans la mémoire gustative de nombreux consommateurs…»
Depuis pourtant, les choses ont bien changé. Des crus renommés, tels Château La Tour-Figeac ou Romanée-Conti, se sont reconvertis avec le succès que l’on sait. Et si le but fondamental du vin bio n’est pas d’améliorer le goût, il est évident qu’une production inférieure au mètre carré peut favoriser la concentration des arômes. Mais cela, c’est une autre affaire, que notre partenaire Tout Compte Fait traitera dans son édition du 23 juin, en publiant les résultats d’une dégustation à l’aveugle de douze vins blancs et rosés biologiques achetés dans les grandes surfaces de Suisse romande.
Faible production
Reste que si le vin biologique existe et donne ainsi la preuve qu’il est réellement issu d’un travail plus proche de la nature, il reste très minoritaire par rapport à la viticulture traditionnelle. On estime ainsi qu’il est issu de 2 à 3% des 15 000 hectares du vignoble suisse.
«Rien en Suisse n’est fait pour encourager la viticulture bio, estime M. Cretegny. La recherche n’est guère intéressée à développer des produits de substitution naturels et les rares marchés qui commercialisent des vins bio choisissent des crus étrangers surtout. Enfin, nos prix sont forcément plus élevés que pour un vin conventionnel, même si ce supplément ne couvre pas la différence de rendement (20 à 25% en moins) et les autres frais qu’implique notre cahier des charges.» Christian Chevrolet