A chaque décompte de chauffage, M. Lebon enrage. Respectant quelques règles simples d’économie d’énergie (lire l’encadré), il a la désagréable impression de payer pour ses voisins, moins consciencieux. Il y a Mademoiselle Suzette, l’octogénaire du dessus, qui engloutit des hectolitres de mazout en chauffant son logis à 27 degrés. Et puis il y a les voisins du dessous. Ne jettent-ils pas la chaleur par les fenêtres en laissant celle de leur chambre à coucher entrouverte toute la journée? En définitive, M. Lebon paie aussi pour ces comportements, puisque le décompte se fait sur la base de la facture totale de mazout répartie entre les locataires selon la taille des appartements.
Faut-il demander un DIFC?
La situation est tout autre chez le collègue de bureau de M. Lebon, qui bénéfice d’un décompte individuel des frais de chauffage (DIFC). Dans son immeuble, la consommation effective de chaque logement est mesurée à l’aide de compteurs individuels. Chacun paie le mazout qu’il utilise réellement.
En vertu de la loi fédérale sur l’énergie du 26 juin 1998, un système DIFC doit être installé dans les immeubles neufs de plus de cinq logements, avec diverses exemptions, par exemple pour les bâtiments à faible consommation d’énergie. Cette loi n’a en revanche jamais été réellement appliquée pour les constructions existantes.
D’où une question: M. Lebon a-t-il intérêt à demander à son bailleur d’installer un DIFC? Dans le canton de Vaud par exemple, les propriétaires sont tenus de procéder à une telle installation si la majorité des locataires le leur demande.
L’idée semble séduisante. Le DIFC répartit plus équitablement les frais de chauffage et récompense les comportements économes. Mais tout cela a un coût, et «dans un immeuble qu’il faut équiper, le propriétaire peut répercuter ces frais sur les locataires» prévient François Schaller, ingénieur au Service de l’environnement et de l’énergie du canton de Vaud. Sans compter qu’en fonction du système de chauffage, il faudra parfois installer non pas un simple compteur à l’entrée des logements, mais un appareil de mesure sur tous les radiateurs. Il sera ensuite nécessaire d’effectuer des relevés sur chaque radiateur de chaque appartement. D’où des frais supplémentaires encore supportés par les locataires.
L’Asloca pas très chaude
A l’Asloca, on estime que l’installation d’un DIFC dans un immeuble existant est une fausse bonne idée. En raison des coûts évoqués ci-dessus, qui rendent le nouveau système finalement plus coûteux que l’ancien, mais aussi parce que les immeubles, surtout anciens, «sont loin d’être des entités étanches. La chaleur y circule d’un étage et d’un appartement à l’autre», estime Jacques-André Mayor de l’ASLOCA-Vaud, ce qui relativise l’idée qu’un décompte individuel est plus juste. Il estime aussi que les mesures ne sont pas toujours fiables. Il est en tout cas vrai que les vieux appareils, dits à évaporation, ont la réputation d’être moins pré-cis que les nouveaux systèmes électroniques. Conclusion, selon François Zutter de l’Asloca-Genève, il est beaucoup plus pertinent d’investir dans l’isolation d’un immeuble pour réaliser des économies que d’installer un DIFC.
Sébastien Sautebin
gestes simples
Ne jetez plus la chaleur
En Suisse, la moitié de l’énergie que nous consommons est destinée à chauffer des bâtiments. Quelques gestes simples permettent de ne plus jeter la chaleur, et donc son argent, par les fenêtres.
> Des températures de 20 à 21 degrés dans le séjour et de 18 degrés dans la chambre à coucher sont suffisantes. Il faut savoir que chaque degré supplémentaire engendre une augmentation de 6% de la consommation d’énergie.
> En hiver, ne pas laisser de fenêtre entrouverte. Aérer à fond mais brièvement en ouvrant grand les fenêtres pendant cinq minutes avant de les refermer totalement.
> Baisser les stores et tirer les rideaux pendant la nuit pour conserver la chaleur.
> Veiller à ce que les radiateurs soient bien dégagés (meubles, rideaux…).