Je ne pourrai malheureusement pas vous verser de treizième salaire cette année, car nos affaires vont mal. C’est la mauvaise nouvelle que l’employée de bureau Sandra H. a reçue de la part de son patron. Même mauvaise surprise pour Ursula M. à qui son chef a expliqué qu’il avait d’ores et déjà décidé qu’elle ne toucherait que la moitié de son treizième salaire. Et les supérieurs du plombier Fabian T. l’ont prié, lui et ses collègues, de se montrer compréhensifs en leur demandant, pour une fois, de renoncer à ce même salaire: «Nous estimons que nous devons affronter ensemble cette traversée du désert», leur a même écrit la direction.
Il y a de plus en plus de patrons qui veulent supprimer le 13e salaire en invoquant des motifs économiques. Et souvent, comme dans le cas de Fabian T., ils n’hésitent pas à faire appel à la loyauté de leurs collaborateurs. «Ces procédés, qui tentent de toucher la corde sensible des employés, sont vraiment honteux», commente Daniel Rice, du SIB (Syndicat industrie et bâtiment). Mais la démarche est souvent couronnée de succès: par crainte de perdre leur poste, bien des employés n’osent pas se défendre ou même se renseigner sur leurs droits. La preuve: tous les témoins cités dans Bon à Savoir ont voulu rester anonymes.
Pourtant, ces employés ont le droit de se défendre: si leur contrat de travail individuel ou une CCT (convention collective de travail) fixe un 13e salaire, il fait alors partie intégrante du salaire et doit donc être versé indépendamment de la bonne marche de l’entreprise. Si leur patron veut renoncer à son paiement, il devra d’abord changer le contrat, avec l’accord de l’employé. Si celui-ci s’y oppose, l’employeur peut alors lui donner son congé et lui proposer simultanément un nouveau contrat, entrant en vigueur après le délai de congé obligatoire. En tel cas, il ne reste que deux solutions pour l’employé: accepter le nouveau contrat ou trouver un nouvel emploi. S’il choisit la séparation, il a toutefois le droit au prorata (lire encadré) de son 13e salaire.
DROIT DU TRAVAIL
Ne pas confondre le 13e et une gratification
Le 13e salaire fait partie intégrante du salaire; son montant et la date du versement sont fixés à l’avance. Votre contrat de travail devrait d’ailleurs clairement indiquer si vous y avez droit. Mais, très souvent, il n’apparaît pas clairement s’il s’agit d’un salaire supplémentaire ou d’une gratification. Si ce flou est le fait de l’employeur, ce qui est souvent le cas, il faut l’interpréter comme un 13e salaire et non comme une gratification.
La gratification est un versement à bien plaire et peut être liée aux résultats de l’entreprise, aux réalisations ou à l’ancienneté de l’employé. Son montant peut varier d’une année à l’autre, à moins qu’un montant ne soit fixé d’avance, explicitement. L’employeur peut donc agir à sa guise: il peut réduire ce bonus ou y renoncer complètement s’il est insatisfait de votre travail. C’est pourquoi il est important de clairement fixer les conditions dès le début de la relation de travail.
La différence entre 13e salaire et gratification prend toute son importance lorsqu’une relation de travail se termine avant la fin de l’année: le treizième salaire est alors versé au prorata. Si vous quittez, par exemple, votre emploi le 30 septembre d’une année, vous avez droit aux trois quarts d’un salaire mensuel.
Il en va autrement de la gratification: en cas de départ le 30 septembre, vous ne touchez rien, en règle générale. A moins que votre contrat ne mentionne explicitement un paiement au prorata de ce bonus.