Temporaire et bien couvert
Une agence de travail n’avait assuré un maçon que pendant 180 jours au lieu de 720. Le Tribunal exige qu’elle paie la différence.
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Bon à Savoir 06-1998
10.06.1998
Sylvie Fischer
Les agences de travail temporaire ne sont pas libres de fixer aussi souplement qu’elles le voudraient les conditions d’emploi de leurs employés. Elles ne peuvent limiter trop fortement la période durant laquelle un travailleur a droit aux indemnités en cas de maladie, a tranché le Tribunal fédéral dans un récent arrêt*. Et elles doivent observer la durée d’assurance prévue par la convention collective de travail régissant toute la branche. En conséquence, le TF a condamné u...
Les agences de travail temporaire ne sont pas libres de fixer aussi souplement qu’elles le voudraient les conditions d’emploi de leurs employés. Elles ne peuvent limiter trop fortement la période durant laquelle un travailleur a droit aux indemnités en cas de maladie, a tranché le Tribunal fédéral dans un récent arrêt*. Et elles doivent observer la durée d’assurance prévue par la convention collective de travail régissant toute la branche. En conséquence, le TF a condamné une agence de travail temporaire à payer l’équivalent de 720 jours d’indemnités à un maçon malade, au lieu des seuls 180 jours prévus par son contrat de travail. La preuve que temporaire ne rime pas forcément avec mal couvert.
L’employé en question, qui ne peut plus travailler depuis janvier 1995, a cependant dû mener un combat obstiné avant que la Haute Cour ne lui donne raison. Le Tribunal des prud’hommes de Genève, puis la Chambre d’appel de cette juridiction avaient tout d’abord rejeté sa demande. Le TF, en lui donnant raison, fixe deux principes.
• Tout d’abord, en particulier dans la construction, une agence temporaire ne peut ignorer les dispositions des conventions collectives de travail relatives au salaire. Ces dispositions avaient en effet été étendues, par décision du Conseil fédéral, à tous les employeurs et employés de la branche.
Dès lors, selon le TF, s’agissant du salaire versé en cas d’empêchement de travailler, les agences de travail temporaires ne peuvent imposer des droits inférieurs à ceux prévus par la convention. Sinon, elles créeraient une sous-enchère nuisible aux autres employeurs. 720 jours d’indemnités maladie, en outre, n’est pas une durée excessive: «Le travailleur intérimaire a besoin d’être protégé contre la perte de gain aussi bien que le travailleur stable, même si les emplois qu’il occupe sont de relativement brève durée.» En l’occurence, le maçon était engagé pour une durée indéterminée et occupait son poste depuis plus de sept mois lorsqu’il est tombé durablement malade.
• Deuxième principe: le maçon a droit à ses 720 jours d’indemnités, même si l’agence temporaire a résilié son contrat de travail peu après sa maladie, en avril 1995. Certes, le droit au salaire prend fin au terme du contrat. Mais le travailleur assuré contre l’incapacité de travail peut comprendre qu’il aura droit sans restrictions à cette couverture, même si son contrat prend fin. En outre, relève le TF, «une telle protection n’aurait guère de sens si l’employeur pouvait en priver le travailleur en lui donnant son congé». Se débarrasser de son employé malade ne sert donc à rien.
Comme l’agence temporaire devait assurer son employé pour 720 jours dès son engagement, et qu’elle ne l’a pas fait, elle doit lui rembourser les indemnités manquantes.
Sylvie Fischer
*Arrêt du 2 décembre 1997; 4C.109/1997