Quand on achète un billet d’avion, il est nettement plus avantageux d’acheter un aller-retour qu’un simple course. Mais, une fois le marché conclu, pas question de n’en utiliser qu’une partie: si on ne se présente pas au vol aller, Swiss, qui n’est de loin pas la seule à procéder de la sorte, annule purement et simplement le vol retour!
Une famille en a ainsi fait récemment les frais. Jrène Bühler avait acheté des billets aller-retour de Zurich à Barcelone pour aller chercher les deux jeunes enfants de son frère, récemment décédé. «J’avais expressément signalé au départ que mes neveux ne m’accompagneraient qu’au retour. On m’a répondu que cela ne posait aucun problème.»
Sièges vendus deux fois
Et pourtant, quand Jrène a voulu enregistrer les bambins à l’aéroport de Barcelone, Swiss a catégoriquement refusé de les embarquer. Motif: le vol du retour avait été annulé, puisqu’ils n’avaient pas utilisé la première partie du billet. L’avion étant complet, Jrène Bühler a dû sortir 1000 fr. de sa poche pour un autre vol de retour affrété par Lufthansa, avec escale à Munich. La compagnie helvétique, elle-même filiale de Lufthansa, avait donc, entre-temps, revendu les sièges des deux enfants. Une affaire juteuse pour le transporteur allemand, qui a vendu deux fois les mêmes sièges!
Swiss justifie cette pratique dans ses conditions générales (CG). «Votre billet n’est valable que pour l’itinéraire mentionné sur celui-ci et pour le transport du point de départ, via d’éventuelles escales intermédiaires, jusqu’au point de destination. Le tarif n’est valable que si les vols sont réalisés dans l’ordre correspondant à la réservation. Dans le cas contraire, un nouveau calcul du prix du vol sera effectué sur la base de l’itinéraire effectif.» La compagnie nous a déclaré regretter la mésaventure de la famille Bühler, mais ne compte pas changer sa pratique pour autant.
En d’autres mots, toute variante par rapport à l’itinéraire prévu sera facturée. Swiss applique du reste la même règle aux vols décollant de Genève, avec escale à Zurich. Au départ de Fribourg ou de Neuchâtel, il est donc impératif de se rendre d’abord à Genève pour survoler le Plateau par la voie des airs, quitte à perdre un temps précieux. Ceux qui croient jouer au plus fin en se rendant directement à Zurich verront tout bonnement leur billet annulé pour la suite du voyage!
C’est illégal!
Cette pratique, qui vise à favoriser les touristes par rapport aux hommes d’affaires – plus enclins à dépenser gros pour leurs déplacements – va à l’encontre des modifications de la loi contre la concurrence déloyale (LCD), entrées en vigueur en juillet 2012, estime Arnold Rusch. Professeur de droit aux Universités de Fribourg et de Zurich, le juriste a examiné à la loupe les CG émises par Swiss pour conclure qu’elles n’étaient plus défendables.
Selon l’article 8 de la LCD, il est en effet désormais interdit de se baser sur «des conditions générales qui, en contradiction avec les règles de la bonne foi, prévoient, au détriment du consommateur, une disproportion notable et injustifiée entre les droits et les obligations découlant du contrat». Autrement dit, le passager devrait pouvoir renoncer à une partie de son voyage sans devoir assumer des frais exagérés. Cela, d’autant plus que la compagnie peut revendre les sièges non occupés sur un segment du voyage à un autre passager.
Hélas, des compagnies aériennes ne se privent pas de réclamer des suppléments exorbitants. «Aucun restaurant ne majore l’addition ou fait payer deux fois le prix d’un repas si un client commande le menu et ne prend pas la soupe», compare Arnold Rusch. Le seul moyen de faire respecter la loi est de porter l’affaire devant le tribunal, ce que nous avons entrepris avec nos partenaires alémaniques saldo et K-Tipp(lire encadré).
Beatrice Walder / chr
LA JUSTICE TRANCHERA
Plainte déposée contre Swiss
Les compagnies aériennes ont le droit d’accorder des tarifs préférentiels aux touristes effectuant des réservations précoces et définitives par rapport aux hommes d’affaires, qui sautent dans un avion au dernier moment. Leur pratique, telle que l’a vécue Jrène Bühler, est cependant injustifiable selon la loi contre la concurrence déloyale (LCD) adaptée, estime Arnold Rusch, professeur de droit aux Université de Fribourg et de Zurich. «La seule question est de savoir qui osera s’élever contre elles», interroge le juriste.
En collaboration avec nos partenaires alémaniques K-Tipp et saldo, nous avons osé, et donc déposé une plainte contre Swiss, afin qu’Irène Bühler récupère son dû et que l’affaire fasse jurisprudence en la matière.
Nous tiendrons nos lecteurs informés de la suite des événements, mais le jugement ne devrait pas avoir lieu avant plusieurs mois.