La caisse maladie Swica pourrait bien devoir recalculer les primes d’une majorité de Suisses romands. A moins de croiser le fer avec l’Office fédéral des assurances sociales, garant de la loi sur l’assurance maladie.
Comme nous l’écrivions le mois dernier, les caisses ont le droit de fixer librement les réductions accordées pour les franchises à option, pour autant qu’elles ne dépassent pas les limites maximales fixées par la Confédération. La plupart des caisses optent pour la réduction maximale. Certaines se montrent nettement moins généreuses, dont la Wincare. Mais dans tous les cas, la réduction doit être la même dans tous les cantons au sein d’une même caisse.
Swica a décidé d’accorder la réduction maximale, mais de la limiter en francs réels à, respectivement, 170 fr. (franchise de 400 fr.), 370 fr. (franchise de 600 fr.), 970 fr. (franchise de 1200 fr.) et 1270 fr. (franchise de 1500fr.). Résultat des courses: la réduction exprimée en pourcent n’est plus la même dans tous les cantons!
Un habitant de Delémont, assuré auprès de la Swica, bénéficiera donc d’une réduction de presque 15% pour une franchise à option de 600 fr., car sa prime de base est relativement modérée. En revanche, un
Lausannois ne bénéficiera que d’une réduction de 11%, car sa prime de base est nettement plus élevée. En fait, toute personne dont la prime mensuelle de base dépasse 205.55 fr. ne bénéficiera pas de la réduction maximale de 15%...
L’OFAS réagit
Le problème n’est pas passé
inaperçu à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). «Cette façon de faire est illégale, commente la juriste Raffaela Miccoli. Nous l’avons fait savoir à Swica et attendons leurs explications.»
A Winterthur, siège de Swica, la direction ne semble pas franchement pressée: «C’est une divergence d’interprétation juridique que nous avons avec l’OFAS depuis l’introduction de la nouvelle loi (réd.: 1er janvier 1996), explique Ruedi Brunner, porte-parole de Swica. Et pour l’instant, nous ne voyons pas de raison de modifier nos calculs. D’ailleurs, l’OFAS nous a écrit mais n’insiste pas. Et presque toutes les caisses font de même...»
Première question: quelles sont les autres caisses qui pratiquent également de la sorte? Elles ont beau, selon Ruedi Brunner, être très nombreuses, il ne peut pas les citer spontanément et demande réflexion. Une semaine plus tard, il n’arrive toujours pas à répondre. Non sans raison: selon nos informations, aucune autre caisse d’une certaine importance n’agit de la sorte.
Deuxième question: l’OFAS a-t-il vraiment enterré ce problème, comme le laisse entendre Ruedi Brunner? «Mais pas du tout, affirme Raffaela Miccoli. Notre demande d’explications date du 11 novembre dernier. Nous entendons bien recevoir une réponse rapide. Si une telle pratique existe bel et bien, nous donnerons suite par une directive.» Et si Swica ne réagit toujours pas? «L’ultime moyen à notre disposition consiste à proposer au Département fédéral de l’intérieur le retrait de l’autorisation de pratiquer», rappelle la juriste.
Si Swica veut éviter le bras de fer, il lui reste donc deux solutions.
• La plus vraisemblable: maintenir les réductions maximales pour tous ses assurés, mais laisser tomber la limite en francs. Ce qui revient à diminuer les primes des franchises à option de tous les assurés ne bénéficiant pas de la réduction maximale, donc de la plupart des Romands.
• La moins vraisemblable, car elle nécessiterait que l’OFAS accepte de revenir sur ses décisions: réduire les réductions maximales pour tous ses assurés (par exemple de 15 à 14%). Ce qui revient à augmenter les primes de tous les assurés qui bénéficiaient de la réduction maximale.
Cela étonnera-t-il quelqu’un? Dans les deux cas, ce sont les assurés qui paieront l’addition.
Christian Chevrolet
RECTIFICATIF PARTIEL
Zones d’ombre
Ceci devrait être un rectificatif. Pourquoi le conditionnel? Parce que l’erreur que nous avons commise amplifie encore notre message: tout est fait pour que les consommateurs ne puissent plus s’y retrouver dans le monde des assurances maladie.
Dans notre article du mois dernier, nous dénoncions l’agence lausannoise de la CSS pour sa publicité, qui mentionnait les primes réservées à la zone 2 du canton de Vaud. Or, disions-nous, Lausanne est en zone 1. Et bien non... A la CSS, Lausanne est en zone 2, alors qu’elle est en zone 1 dans les autres caisses. Pourquoi cette différence? Parce qu’à la CSS, la zone 1 est la meilleur marché... Tout cela est-il bien légal? Eh oui! Et tant pis pour ceux qui aiment les comparaisons simples.
A la direction générale de la CSS, on minimise le problème: «Nous pratiquons de la sorte depuis des années, commente le porte-parole, Guido Fürer. Nous n’avons jamais eu l’intention de tromper nos clients. Mais rien n’est immuable. Peut-être nous rangerons-nous un jour à la majorité.» En revanche, l’Association suisse de défense des usagers en assurance sociale est furieuse. Claude Fontaine, consultante: «Qu’on ne nous raconte pas d’histoires: ce genre de procédés empêche les usagers de comparer, un point c’est tout! Mais ils sont malheureusement légaux. Le Tribunal fédéral des assurances estime que les encarts publicitaires ne sont pas déterminants. Mais cela ne doit pas nous empêcher de les dénoncer!»
C. C.