Le surimi ne date pas d’hier. Son ancêtre, le kamaboko, encore courant dans l’Empire du Soleil Levant, aurait en effet été servi à la cour royale du Japon au XIIe siècle déjà! Il s’agit d’une pâte de chair de poisson lavée à l’eau douce, puis pétrie avec du sel avant d’être cuite à la vapeur. Cette préparation permettait de conserver l’aliment au-delà des périodes de pêche. A la différence du surimi industriel, le kamaboko est presque entièrement confectionné à base de poisson.
Poisson et pâte
Aujourd’hui, la fabrication des bâtonnets commence à bord des bateaux usines. Les espèces utilisées sont des poissons maigres, généralement le lieu d’Alaska (aussi nommé «colin») et le merlu du Pacifique. Les filets sont immédiatement prélevés, puis lavés à l’eau douce, mixés et pressés pour former une pâte insipide: le surimi base, qui est alors congelé. Pour conserver les protéines, on ajoute à cette pâte du sucre, des polyphosphates ou encore du sorbitol.
Arrivé sur les lieux de production, le surimi base est complété par d’autres ingrédients. Ces derniers diffèrent en fonction des fabricants, mais on y trouve toujours de l’eau (premier composant après le poisson), des blancs d’œufs, de la fécule de pomme de terre, de l’amidon de blé, de l’huile végétale, du sel et, bien sûr, plusieurs additifs, parmi lesquels des arômes (crabes et/ou crustacés) ainsi qu’un colorant (extrait naturel du paprika). La pâte est enfin étalée et découpée en fines bandes rectangulaires, puis cuite à la vapeur. Reste à la façonner en bâtonnets ou à la râper, selon l’aspect désiré.
Composition et nutrition
Au final, et dans le meilleur des cas, le surimi n’est donc composé que de 50% de chair de poisson! Cette proportion est même exceptionnelle: c’est le cas de Fleur de surimi de Vici acheté à Manor. Les autres produits n’en contiennent qu’entre 38% et 41%. Etonnamment, l’adjonction de l’eau ne diminue pas la quantité de calories, le surimi étant même un peu plus calorique que le poisson utilisé!
Même constat pour la graisse: si le lieu d’Alaska en totalise 0,8 g pour 100 g, ce taux varie entre 2 g et 5,9 g pour les petits bâtonnets. Ces proportions élevées s’expliquent par l’adjonction d’huile végétale, la plupart du temps de colza, dans la recette. La seule exception, une fois encore, est la Fleur de surimi de Vici, qui en affiche 0,6 g seulement. Les surimis renferment en revanche deux fois moins de protéines que le poisson dont ils sont issus, soit 8 g pour 100 g de produit.
Quant aux additifs, leur nombre varie entre trois et six selon les marques. On peut se réjouir que les colorants soient naturels, puisqu’ils sont extraits du paprika (E160c). Le sorbitol (E 420) ne pose pas de problème. En revanche, il est regrettable que l’origine des arômes (naturels ou de synthèse) ne soit jamais précisée. Mais surtout, on s’inquiétera de la présence indésirable de polyphosphates (E450 à 452) dans tous les surimis vendus dans les supermarchés ainsi que, parfois, d’exhausteurs de goût (E635 et E621 pour le glutamate). Seule exception notable: les bâtonnets de Fleury Michon, dont la recette ne contient aucun additif hormis le colorant et les arômes.
Pas du poisson
Pratiques, moelleux et sans arêtes, les surimis peuvent certes séduire, y compris les enfants qui apprécient leur goût, pas trop marqué pour un produit de la mer. On gardera néanmoins à l’esprit qu’ils ne peuvent se substituer au poisson, plus riche en oméga 3 et en protéines. Pour atteindre les 20 g de protéines contenus dans une portion de poisson (100 g), il faudrait manger une quinzaine de bâtonnets, soit environ 250 g!
La quantité de sel est en cependant importante: une part de 100 g (six bâtonnets) contient 1,5 g de sel, soit près du tiers de la quantité journalière recommandée! On limitera donc leur consommation, ce d’autant qu’ils sont presque aussi chers (entre 15 fr. et 30 fr. le kilo) que des filets de poisson. Dommage que le véritable kamaboko n’ait pas encore franchi nos frontières.
Doris Favre,
diététicienne diplômée.