Sur Internet aussi, le consommateur peut s’exprimer librement. A condition de respecter la loi. Didier Rey, lecteur genevois de Bon à Savoir, en a fait l’expérience avec une page personnelle, hébergée gratuitement par VTX. Il y exposait les problèmes mécaniques rencontrés avec un véhicule de marque Opel. Et il y dénonçait notamment «l’obscurantisme» de l’importateur qui n’avait pas voulu reconnaître ce qui, pour M. Rey, constituait un «vice de construction du véhicule». L’auto n’étant plus sous garantie, l’importateur n’avait pas dû dédommager M. Rey. Celui-ci estimait cependant qu’Opel aurait pu faire un «geste commercial».
Rapidement, un avocat engagé par Opel Suisse a demandé à M. Rey de supprimer de son site des passages qui, selon lui, contenaient des critiques «non objectives» et contraires à la loi sur la concurrence déloyale (LCD). Insatisfait par les propositions de changement faites alors par M. Rey, l’avocat a demandé directement à VTX de fermer sa page Web.
«Nous l’avons fermée après consultation de nos avocats», explique Philippe Roditi, de VTX. Bien que la loi soit encore floue, et même si M. Rey indiquait assumer la responsabilité du contenu, nous aurions pu être tenus pour responsables. C’est sur notre serveur qu’il citait une entreprise et ne donnait que son point de vue. Je n’ai pas à juger s’il avait raison. Mais Opel aurait pu nous intenter un procès.»
n L’avis du spécialiste
L’histoire de M. Rey soulève plusieurs questions, auxquelles répond Patrick Richard*, avocat spécialiste du droit des nouvelles technologies et de la propriété intellectuelle.
• 1. Où s’arrête la liberté d’expression du consommateur? Un consommateur peut critiquer tout produit sur Internet, et ailleurs, s’il respecte la loi. Il doit s’en tenir aux faits objectifs, sans jugements de valeur.
• 2. Peut-on accuser un consommateur de propos déloyaux? Le Tribunal fédéral a décidé que la loi sur la concurrence déloyale (LCD) pouvait s’appliquer aux litiges entre particuliers et commerçants, même s’il ne s’agit pas de concurrents directs.
• 3. Un fournisseur d’hébergement doit-il fermer une page sur demande d’un avocat? La responsabilité du fournisseur d’accès et d’hébergement n’est pas encore clairement définie par le droit suisse, européen ou international. Il ne peut être tenu pour responsable de toutes les pages hébergées. Mais on admet en général que s’il a connaissance d’un contenu illicite, il doit le rendre inaccessible. Et si une autorité judiciaire, un avocat, etc., ordonne de surveiller ou de fermer un site, le provider a intérêt à s’exécuter. Car il risque alors d’être tenu pour responsable. Avant d’obtempérer, il faut toutefois examiner qui formule la demande et peser les intérêts en jeu.
La fermeture d’un site peut être exigée pour des infractions à la LCD, au code pénal en matière de protection des mineurs, de pornographie et de racisme, ou à la loi sur la protection des marques et des droits d’auteur. Par ailleurs, un tribunal anglais vient de décider qu’en cas de litige, le for juridique se situe là où le provider offre ses services, et non pas à l’endroit où se trouve son matériel informatique. Ellen Weigand
*Auteur d’un article sur la responsabilité des providers, à lire sur Internet: www.law-assistance.com