Vous scrutez attentivement les ingrédients contenus dans vos aliments et vos boissons? Vous lisez donc soigneusement les étiquettes? Eh bien, sachez que le nouveau droit alimentaire changera bel et bien certaines mentions (lire en page 7), mais quasiment rien pour ce qui est des substances chimiques.
On ne trouvera toujours aucune indication de quantité, de mise en garde quant à la dangerosité ou l’interdiction de certaines substances dans d’autre pays, etc.
Interpellé, Stefan Kunfermann, porte-parole de l’Office fédéral de la sécurité alimentaire et des affaires vétérinaires (OSAV), précise que «fondamentalement, les ingrédients d’un aliment doivent être déclarés et que, seuls, les aliments sûrs peuvent être mis sur le marché». Et d’ajouter qu’un «aliment est considéré comme sûr si les limites maximales pour chaque additif sont respectées. La nouvelle loi réglemente également les résidus de pesticides, de médicaments vétérinaires, de métaux lourds, etc. Mais ces résidus n’étant pas explicitement des ingrédients, ils ne doivent donc pas être déclarés.» Libre à chacun d’apprécier!
En guise d’exemples, nous avons décrypté en détail trois produits dont l’étiquetage correspond certes aux exigences légales, mais qui ne sont pas satisfaisants pour les consommateurs.
En l’état, pour éviter les substances indésirables, le seul conseil pratique est d’opter pour des produits les moins transformés possibles, tout en privilégiant le bio.
Coca-Cola Zero
Bouteille de 500 ml
Ingrédients
Eau, gaz carbonique, colorant E150d, édulcorants: cyclamate, acésulfame-K et aspartame, acidifiants: E338 et citrate de sodium, arômes naturels incl. caféine. Contient une source de phénylalanine.
Ingrédients problématiques
⇨ Colorant E150d: caramel de synthèse, qui donne sa couleur caractéristique à cette boisson. Il n’a rien de naturel, puisqu’il est obtenu par le chauffage de glucides en présence de composés de sulfite d’ammonium.
Il contient du 4-méthylimidazole (4-MEI). Ce composé est suspecté d’être cancérogène. L’Etat de Californie l’a inscrit sur la liste des cancérogènes probables en 2011 déjà, contraignant Coca-Cola à modifier la recette de sa boisson.
Mais, de ce côté-ci de l’Atlantique, le E150d est toujours présent. En quelle quantité? Mystère! L’étiquette ne le dit pas, quand bien même la dose journalière admissible (DJA) en Europe soit réglementée et limitée à 300 mg/kg de poids corporel par jour. L’alimentation biologique, elle, interdit ce colorant.
⇨ Cyclamate: édulcorant aussi connu sous le code E952*, synthétisé à partir du benzène. Son pouvoir sucrant est trente à cinquante fois supérieur au sucre naturel. Classé comme cancérogène probable, il est interdit aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. En revanche, il est autorisé en Europe, tout en étant doté d’une DJA de 7 mg/kg de poids corporel par jour. Or, dans un document daté de 2012, la Société suisse de nutrition indiquait qu’un «petit enfant de 3 ans avec un poids de 15 kg dépasse déjà la DJA avec 4 dl de certaines boissons édulcorées au cyclamate». Et de préciser qu’une femme de 60 kg atteint cette même DJA avec 1,7 litre de la même boisson.
⇨ Acésulfame-K: édulcorant aussi connu sous le code E950*, qui est du sel acésulfame de potassium. Il est cent à deux cents fois plus sucrant que le sucre naturel. La communauté scientifique est divisée concernant son innocuité, mais il existe tout de même un consensus pour reconnaître que cet édulcorant ne représente pas de danger pour la santé. Il est tout de même soumis à une DJA en Europe (9 mg/kg de poids corporel/jour).
⇨ Aspartame: édulcorant très controversé connu sous le code E951*. Il a un pouvoir sucrant 150 fois plus élevé que le sucre naturel. Jugé sûr par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) en 2013, il est toujours considéré comme problématique par les instances et les scientifiques indépendants, qui l’ont classé parmi les cancérigènes certains. Sa DJA est de 40 mg/kg de poids corporel/jour.
⇨ Acide phosphorique: cet acidifiant connu sous le code E338* joue un rôle de correcteur d’acidité de synthèse. Il est suspecté de réduire la densité osseuse et de provoquer des problèmes rénaux. Il est doté d’une DJA de 70 mg/kg de poids corporel/jour. Et sa consommation est déconseillée pour les enfants et les femmes enceintes. Cet additif n’est pas autorisé dans l’alimentation bio.
⇨ Arômes naturels incl. caféine: impossible ici de vérifier les ingrédients mentionnés. Seule certitude: le terme «naturel» n’est pas une garantie de «nature». Ainsi, sans indication supplémentaire de la part du fabricant, il est légitime de penser qu’il s’agit d’arômes artificiels.
⇨ Contient une source de phénylalanine: cette indication est obligatoire pour toutes les denrées qui contiennent de l’aspartame, et donc de la phénylalanine. Elle concerne avant tout les personnes souffrant de «phénylcétonurie», une maladie héréditaire du métabolisme touchant environ quatre à cinq bébés sur les quelque 75 000 qui naissent chaque année en Suisse.
Enfin, concernant les trois édulcorants cités plus haut, l’étiquette ne permet pas de connaître les quantités présentes dans la boisson, ni les interactions (ou effet cocktail) de ces substances dans l’organisme.
*Lire encadré «Codes E»
Pain de mie
M-Classic toast & Sandwich Terrasuisse, 250g
Ingrédients
Farine de blé, eau, levure, huile de colza, protéine de blé, vinaigre de table, sel de cuisine iodé, sucre, éthanol, levain déshydraté (blé), levure inactivée, farine de malt d’orge, agent de traitement de la farine: acide ascorbique. De qualité IP-SUISSE.
Ingrédients problématiques
⇨ Ethanol: de l’alcool dans du pain! La présence d’éthanol a de quoi surprendre d’autant qu’on n’en connaît pas la quantité. Migros explique que «l’éthanol est un conservateur et qu’il s’évapore rapidement lorsque le pain est grillé». Aurélie Deschenaux, porte-parole, indique que l’industrie Jowa, qui fabrique ce pain, cherche à se passer de tout conservateur et que les emballages seront modifiés en conséquence.
Pommes
Emballage de six pommes suisses Greenstar I
Ingrédients
Aucune indication.
Résidus problématiques
Ces pommes ne sont pas bio, elles ont donc certainement été traitées avec des produits
phytosanitaires, mais le géant orange refuse de communiquer: «Légalement, la déclaration des résidus de pesticides sur l’emballage n’est pas exigée. Par conséquent, Migros ne déclare pas les résidus de produits phytosanitaires et n’a pas l’intention de le faire», explique Aurélie Deschenaux.
Pour en savoir un peu plus, nous nous sommes adressés à Patrick Edder, chimiste cantonal genevois. Il relève les éléments suivants: «Entre 2015 et 2016, 61 échantillons de pommes, dont un bio, ont été analysés. Et 37 contenaient des résidus de pesticides, mais conformes à la législation.»
La feuille plastique enveloppant les six pommes est composée de polyéthylène, mais n’est pas mentionnée. Il est considéré comme sûr et ne laisserait pas migrer des substances indésirables sur les pommes.
Annick Chevillot
Pour aller plus loin
⇨ «Codes E»: une application développée par Bon à Savoir qui permet de décoder ce que l’industrie tente de cacher sous des appellations opaques. Elle résulte d’un travail de synthèse mené par la rédaction à l’aide d’une dizaine de sources soigneusement documentées, mais aussi très diversifiées.
Disponible sur l’AppStore et Google Play (4 fr.), en lien sur bonasavoir.ch/applications
⇨ Conférence – Annick Chevillot, journaliste indépendante, collaboratrice régulière à Bon à Savoir et auteure du guide pratique Poisons quotidiens donnera une conférence intitulée «Substances chimiques au menu: quels dangers et quelle attitude adopter?».
Elle dédicacera également son ouvrage, publié aux Editions Bon à Savoir.
Samedi 18 mars 2017, 11 h 15, salon Bulle de Santé, Espace Gruyère à Bulle.