Les garde-meubles, Sandrine Genoud ne veut plus en entendre parler. «J’ai entreposé mes affaires durant trois ans chez Matthey SA, à Ecublens, explique-t-elle. Mais lorsque je suis allée les chercher, j’ai découvert qu’elles étaient entassées dans un coin, accessibles à tous. Mon canapé bleu était taché et les portes d’une commode avaient été collées au scotch de carrossier, que j’ai dû gratter moi-même.»
En rentrant chez elle, notre lectrice de Bussigny remarque de plus qu’il lui manque de la vaisselle et des CD, et qu’une chaise et des étagères ne lui appartiennent pas. Mais elle devra se rendre encore deux fois à l’entrepôt avant de récupérer ses cartons manquants.
Contrat précis
«Que se passe-t-il si des clients moins honnêtes conservent des affaires de valeur qui ne sont pas eux?», se demande la jeune femme qui a exigé, dans plusieurs lettres signature, que les 250 fr. de «sortie» des meubles lui soient remboursés, en dédommagement de tous les tracas endurés. L’entreprise ne lui a jamais répondu. «Je ne peux rien pour elle, explique le directeur Edmond Matthey. Le contrat était clair et elle l’a signé en connaissance de cause. D’autre part, elle avait la possibilité de faire un inventaire au prix de 1000 fr., mais elle a refusé notre offre.»
Cette histoire fait écho à des dizaines d’autres, vécues dans d’autres garde-meubles: fauteuil en cuir pourri, lit couvert de crottes de souris ou alors commode familiale mystérieusement disparue – les exemples de mauvaises expériences ne manquent pas. Et pour cause: aucune organisation ne contrôle la qualité de l’offre, et chaque privé peut se lancer dans le gardiennage sans que personne n’y trouve rien à redire.
Aucun barème officiel
Par ailleurs, il n’existe pas de barèmes officiels. Ce qui signifie qu’une entreprise indélicate peut faire débour-ser au client trop crédule des sommes faramineuses en toute légalité. La loi donne certes des indications sur le contrat de dépôt(1), mais le particulier lésé doit ouvrir une action civile, ce qui lui semble souvent trop compliqué.
Il est en outre difficile d’obtenir gain de cause, les entreprises se protégeant la plupart du temps derrière des conditions générales très détaillées. «Les garde-meubles ont une très grande marge de manœuvre dans le cadre de la gestion de leurs contrats, confirme Jean-Luc Pirlot, secrétaire général de la section vaudoise de l’Association suisse des transports routiers (ASTAG). Il y a donc des différences énormes dans le service offert au client, et c’est à ce dernier d’être prudent.»
Conseils de prudence
Afin d’éviter les mauvaises surprises, M. Pirlot donne les conseils suivants:
• Préférer une entreprise membre de l’ASTAG(2). Celle-ci disposera de conditions générales précises et d’un contrat permettant d’inventorier les objets déposés, de déterminer les frais futurs
et de se mettre d’accord sur l’assurance des meubles. Par ailleurs, l’ASTAG possède une liste de tarifs indicatifs, qui permet au consommateur d’estimer le coût total de son dépôt… ou de vérifier l’honnêteté des garde-meubles qui ne sont pas membres! Le tarif de base est de 13 fr./m3. Il comprend l’inventaire des affaires, leur stockage en container, lui-même entreposé dans une halle à température ambiante et sous sécurité, et leur traitement adéquat contre les insectes. Selon les cas, il est possible d’obtenir un rabais de 10% à 15% lors d’un entreposage de longue durée.
• Ne pas hésiter à demander une offre – généralement gratuite – à plusieurs entreprises, afin de comparer les services.
• Dans tous les cas, vérifier que l’entreprise dispose d’une couverture RC spécifique au déménagement et au gardiennage, et en demander une confirmation écrite.
• Lire attentivement les conditions générales – attention, la plupart des clauses sont à l’avantage de l’entrepositaire!
• Vérifier que le contrat est précis, qu’il détermine notamment les responsabilités de chacun en cas de dégâts et explique clairement où seront entreposés les objets, comment ils seront protégés, etc. S’assurer que chaque détail y figure: état des meubles (neufs, propres, griffés, tachés, etc.), soin particulier à apporter à l’entreposage d’objets ayant une valeur personnelle, au besoin, entretien de l’objet (par ex. piano), possibilité d’accès au garde-meubles, etc. Simultanément, vérifier que les frais supplémentaires engendrés par ces dispositions soient également précisés.
Certes, ces mesures de prudence exigent du temps et ont souvent leur coût. En fin de compte, ce sera la durée d’entreposage, ainsi que la valeur et le style des objets, qui permettront de choisir au mieux le garde-meubles, le ou les lieux de stockage (entrepôt, container, cellule capitonnée, etc.) selon la nature du dépôt (vin, meubles, etc.), et les différents services.
Véronique Kipfer
(1)cf. articles 472 et suivants du Code des Obligations. L’article 472 donne déjà la définition générale suivante: «Le dépôt est un contrat par lequel le dépositaire s’oblige envers le déposant à recevoir une chose mobilière que celui-ci lui confie et à la garder en lieu sûr.»
(2)Liste régionale à obtenir auprès de:
• Fribourg: Paul Albert Minder, Union patronale, Tél. 026 350 33 25.
• Genève: Olivier Ballissat, ASTAG section genevoise, Tél. 022 715 32 22.
• Neuchâtel/Jura: Corinne Nobs, Von Bergen SA, Tél. 032 925 90 90.
• Vaud: Jean-Luc Pirlot, ASTAG section vaudoise, Tél. 021 796 33 00.
• Valais francophone: Edouard Delalay, ASTAG section valaisanne romande, Tél. 027 327 22 27.