Une révolution alimentaire est-elle en marche? Oui, à en croire certains industriels. Son nom: stevia. Cette plante, provenant d’Amérique latine, est à la base d’un édulcorant naturel surpuissant (glycosides de stéviol), doté d’un pouvoir sucrant jusqu’à 300 fois plus élevé que le sucre, mais dépourvu de calories! Pour l’instant, il est encore interdit en Europe, mais autorisé, au compte goutte, en Suisse, qui en a accepté l’usage dans une soixantaine de produits très précis (certains bonbons, chocolats, boissons ou même du pain).
Mais les choses devraient changer rapidement. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) vient de rendre un rapport qui évalue positivement la sécurité de la stevia. Il a été transmis à la Commission européenne qui l’avait requis, laquelle doit décider s’il y a lieu d’autoriser cette substance. Au vu «des tests toxicologiques ayant démontré que ces substances ne sont ni génotoxiques, ni cancérigènes, ni liées à de quelconques effets indésirables pour le système de reproduction humain ou pour le développement de l’enfant», une autorisation de la stevia au niveau européen paraît plus que probable.
Enthousiaste
Pourtant, la stevia divise. Elle a ses partisans, comme la société Chantal Eden International, qui a créé «Le pain des lutins» à la stevia, autoproclamé «le premier pain naturel sucré… sans sucre». A lire la publicité de cette entreprise, il s’agit d’une véritable révolution, puisque «la stevia ne contient aucune calorie, elle est dent-friendly et constitue l’édulcorant idéal pour les enfants, car elle ne crée aucune dépendance». Alexandre Sacerdoti, directeur de Villars, a, de son côté, commercialisé un chocolat noir à la stevia. Le chocolatier estime que ce produit naturel n’a pas les inconvénients des édulcorants artificiels comme l’aspartame ou l’acésulfame, auxquels il reproche d’être cancérigènes et mutagènes.
Sceptique
Vittorio Giusti, médecin nutritionniste et endocrinologue au CHUV, estime en revanche que la stevia n’a pas un avantage notable sur les autres édulcorants. «Un produit naturel n’est pas obligatoirement meilleur qu’un produit artificiel», souligne le scientifique, estimant qu’il n’existe pas d’étude rigoureuse permettant de garantir l’innocuité de la plante. Selon lui, elle présente également les risques connus des édulcorants consommés en trop grande quantité, à savoir des ballonnements et des diarrhées et n’a qu’un effet bénéfique minime pour les diabétiques ou ceux souffrant d’hypertension.
Poursuivant sur ce tableau sans concession, le médecin nutritionniste estime, de manière plus globale, que la consommation de boissons light contenant des édulcorants n’est pas sans poser de problèmes. Elle entraînerait une déculpabilisation qui pousse à une surconsommation de ces produits, perturbant ainsi le comportement alimentaire. Tout en rappelant que le sucre est le principal combustible de notre corps et le seul carburant de notre cerveau, le médecin conclut en rappelant qu’une alimentation saine est avant tout une alimentation variée.
Sébastien Sautebin