Un skieur s’est tué après avoir heurté avec sa tête un muret dissimulé par la neige, à deux mètres de la piste. Le Tribunal fédéral (TF)(1) a déclaré la station entièrement responsable: elle aurait dû signaler l’obstacle. Mais des verdicts inverses, libérant les stations de toute responsabilité, ont été rendus dans deux affaires similaires: dans l’une(2), un skieur s’était blessé contre une canalisation à 12 m de la piste, après avoir involontairement dévié de sa trajectoire. Dans l’autre(3), une jeune fille est restée tétraplégique après avoir heurté un rocher enneigé sur le tracé du téléphérique, à 80 m des zones damées.
Danger important
Dans ces jugements, le TF s’est basé sur les directives de la Commission suisse pour la prévention des accidents sur les descentes pour sports de neige (SKUS), qui prévoient que la sécurité doit être assurée jusqu’à une distance de
2 m après le bord de la piste. Au-delà, il faut que le danger soit important pour que le skieur en soit prévenu et protégé: on installera par exemple une barrière ou des filets avant une pente très raide ou un précipice, ou on matelassera des pylônes relativement proches.
Mais, on l’a vu, une canalisation située à 12 m n’a pas à être signalée, pas plus que des rochers enneigés à bonne distance du domaine skiable.
Les directives de la SKUS restent toutefois générales et peuvent donner matière à controverse. Pour reprendre l’exemple des pylônes, il n’est pas précisé exactement lesquels doivent être matelassés. Ainsi, un père de famille(4) qui montait à téléski et s’est blessé contre un pylône en voulant secourir sa fille à terre n’a pas obtenu gain de cause: le TF a estimé que le plaignant avait certes lâché «l’assiette» pour des motifs louables, mais qu’on ne pouvait exiger d’une station que tous les pylônes soient matelassés. En fin de compte, la Cour suprême a décidé que seuls ceux qui se trouvent sur une pente
de plus de 50 degrés le seront, tout comme ceux qui se situent sur la piste ou à proximité.
Quant aux sapins le long d’un tracé damé, ils n’ont jusqu’ici pas fait l’objet d’une décision du TF. Mais selon la SKUS, ils représentent des éléments visibles avec lesquels les usagers des pistes doivent compter, même s’ils se situent en deça de la limite pévue des 2 m.
Juges moins sévères
Depuis cinq ans environ, le TF se montre moins sévère à l’égard des stations de ski, comme le signalait déjà Nicolas Duc en 2000, dans le cadre d’une thèse(5) consacrée à ce sujet: «Le TF prie les stations d’assurer la sécurité sur le domaine skiable, tout en signifiant aux usagers qu’ils doivent accepter le risque inhérent à leur activité de loisir», se félicite le spécialiste.
Il craignait, il y a peu, que les tribunaux suivent la tendance américaine, selon laquelle une personne lésée parvient aisément à reporter la responsabilité de son état sur un tiers.
Règles de la FIS
Concernant les litiges entre les usagers des pistes, le TF applique les règles(6) édictées par la FIS (Fédération internationale de ski). Les amateurs de glisse sont censés évoluer «à vue», c’est-à-dire être en mesure de s’arrêter sur la distance visible. Ils éviteront aussi de stationner dans les passages étroits et sans visibilité (par exemple derrière une bosse), respecteront la sécurité des skieurs en aval lors d’un dépassement, examineront si la voie est libre avant de se lancer sur une piste ou de repartir après un stationnement.
Les adeptes du snowboard font l’objet de dispositions particulières: ils sont notamment priés de fixer la planche à leur jambe avant au moyen d’une lanière de sécurité, de détacher le pied arrière en empruntant les remontées mécaniques et de poser leur «engin» toujours retourné, les fixations dans la neige.
Suzanne Pasquier
(1)ATF 4C.258/2000
(2)ATF 4C.224/2003
(3)ATF 4C.54/2004
(4)ATF 4C.375/1999
(5)«La responsabilité civile des usagers des pistes de ski», par Nicolas Duc. Editions Schultess Zurich, 2000.
(6)http://www.skus.ch/skus_f/
frame.html