Un jury de professionnels et d’amateurs ont comparé neuf sirops de framboise. Les souvenirs d’enfance n’ont pas vraiment ressurgi, mais aucun sirop n’a été détesté à l’unanimité non plus.
Le sirop est un produit très simple qui, depuis des décennies, reste une boisson familiale particulièrement appréciée des enfants. Bon à Savoir a fait goûter des sirops à la framboise (le préféré des Suisses) à des papilles d’experts et d’amateurs: Trois lecteurs, un journaliste gastronomique et spécialiste des vins, un spécialiste en boissons aromatisées et une journaliste de la rédaction (voir portraits ci-contre).
Classement mitigé
Neuf sirops (vendus dans les principaux supermarchés de Suisse romande) ont été évalués. Pour leur préparation, les dosages prescrits par les fabricants ont été scrupuleusement suivis. Ce qui a parfois entraîné un net sous ou surdosage.
Réunis à notre rédaction le 14 décembre dernier, les participants se sont prêtés très sérieusement au jeu, mais leurs verdicts ont néanmoins rarement été unanimes (voir tableau ci-dessous). Du «beurk» au coup de cœur, toute une palette d’appréciations ont parfois été données pour une même boisson. Par exemple, le sirop Lacobi (de la gamme Prix Top de Manor), vainqueur de la dégustation: Sévanne Strohheker l’aurait trouvé «parfait avec un peu plus d’eau», Grégoire Pomey allant même jusqu’à évoquer le «sirop de mon enfance». Pierre Schwaller l’a aussi trouvé «puissant, solide, le plus pur». A l’opposé, Pierre Thomas et Ellen Weigand lui ont reproché une consistance trop visqueuse, trop «confiture».
Autre exemple avec le Sirop au jus de fruits de Morand, qui a été jugé très naturel et proche du fruit par Pierre Schwaller, mais trop sucré et pas assez acide par Ellen Weigand.
Si les résultats sont partagés, n’oublions pas qu’avec son dosage préféré, chacun obtiendra forcément une meilleure boisson, comme l’a notamment fait remarquer Pierre Thomas.
Et les cinq premiers sirops du classement ne se suivent peut-être pas totalement par hasard. En effet, les bouteilles Lacobi, Coop et Carrefour viennent les trois de l’entreprise Laumann & Co. SA, avec cependant des compositions légèrement différentes. Idem pour les Denner et Numéro 1, tous deux commercialisés par Unidrink SA.
Moins de fruits: même prix
Le fait qu’un fabricant produise plusieurs sirops n’explique par contre pas entièrement la proximité de leurs prix. Car le sirop Coop, par exemple, contient 44% de jus de fruits contre 30% pour le Lacobi. Malgré cet écart, leur prix est identique.
Encore plus déroutant, le sirop Teisseire, intitulé «aux arômes», contient encore moins de jus de fruits (15%), mais coûte presque le triple! Dans ce cas particulier, selon Pierre Schwaller, c’est la marque qui se paie cher. Et malgré son prix (le plus élevé des neuf), il a été jugé trop peu naturel, trop chimique.
Toujours est-il que, niveau recette, les industriels ont changé la donne ces dernières années, en particulier avec l’ajout d’agents conservateurs ou d’antioxydants (lire encadré).
Attention au sucre!
A la base, un sirop n’est constitué que de jus de fruits et de sucre. Seul le produit Morand ne contient encore que ces deux ingrédients (avec, malheureusement, un agent conservateur), d’où l’appellation «au jus de fruits» et le prix plus élevé.
Quoi qu’il en soit, du sucre, il y en a! Notre diététicienne, Doris Favre, explique ainsi que le sirop s’apparente aux autres boissons sucrées, limonades ou sodas. Par exemple, le sirop Coop, une fois dilué selon les indications de la bouteille, apporte 34 g de sucre pour un verre de 2 dl (l’équivalent de huit morceaux de sucre). C’est 10 g de plus que dans les boissons au cola.
Et les sirops light? Selon Doris Favre, on y trouve des édulcorants artificiels, dont la quantité tolérée par les enfants est limitée. Il faut en outre s’en méfier car, même moins caloriques, ils habituent les enfants au sucré et les éloignent de l’eau pure.
La spécialiste préconise donc le sirop uniquement pour les occasions spéciales et de ne verser que la moitié du dosage prescrit.
Yves-Alain Cornu
Inutiles additifs
Trop d’agents conservateurs
Dans le sirop, comme dans la confiture, on utilise le pouvoir de conservation du sucre pour préserver le fruit. Jusqu’en mai 2002, les industriels s’en contentaient d’ailleurs très bien. Mais alors, la Suisse a adopté l’Ordonnance sur les additifs alimentaires, qui autorise l’adjonction de conservateurs et d’antioxydants dans les sirops de fruits.
Or, pour Pierre Schwaller, ingénieur en sciences alimentaires, ces substances sont totalement inutiles.
Elles ont néanmoins conquis l’industrie du sirop, qui pensait peut-être offrir une garantie de qualité supplémentaire. Ainsi, six des neufs sirops dégustés contiennent l’agent conservateur E236 (acide formique). Et dans le sirop de Migros on trouve du E202 (sorbate de potassium) et l’antioxydant E220 (anhydride sulfureux). Seuls les deux produits fabriqués en France (Casino et Teisseire) en sont totalement exempts.
L’utilisation d’additifs paraît d’autant plus aberrante que certains peuvent nuire à la santé, comme le rappelle notre guide «Codes-E»*. Il recense la plupart de ces additifs et signale ceux qui sont contre-indiqués pour les personnes souffrant d’allergies, d’asthme ou de migraines.