Quitter son emploi du jour au lendemain quand sonne l’âge de la retraite, ce n’est pas facile. Et ce d’autant plus si le capital de prévoyance dont on dispose n’est pas assez garni pour mener une vie décente.
Dans le but d’assouplir le passage à la retraite, la loi sur la prévoyance professionnelle donne désormais deux nouvelles options aux futurs pensionnés.
- Les assurés qui optent pour un temps partiel dès 58 ans peuvent continuer à verser les cotisations équivalentes à un poste à plein temps jusqu’à l’âge officiel de la retraite. Mais attention: ils devront alors verser la part patronale en sus!
- Les assurés qui souhaitent poursuivre leur activité au-delà de l’âge officiel de la retraite peuvent continuer à cotiser jusqu’à 70 ans (69 ans pour les femmes). Certaines caisses de pension offraient déjà cette possibilité, mais elle est désormais ancrée dans la loi.
Ces nouveautés ne sont toutefois pas obligatoires. «Et le nombre d’institutions qui ont introduit ces options dans leur règlement est malheureusement très limité», commente Roland Bron, directeur romand de VZ VermögensZentrum. Et, si elles l’ont fait, comment choisir le bon moment pour tirer sa révérence?
Le 2e pilier variant selon les cotisations de chacun, nous avons tenté l’exercice pour quatre assurés fictifs. Les capitaux et les conditions de prévoyance sont identiques, mais chacun choisit un scénario différent (voir tableaux).
- Ils gagnent un salaire mensuel brut de 8000 fr., soit 104 000 fr. par an pour un temps complet.
- A 58 ans, le taux de cotisation est de 18%, assumé à part égale par l’assuré (9%) et l’employeur (9%).
- Le taux de rémunération correspond au minimum actuellement fixé par la loi, à savoir 2%.
- Le taux de conversion pour calculer la rente est de 6,8%, sauf pour l’assuré qui part à 70 ans et profitera d’un taux majoré à 7,8%.
Nos calculs ne tiennent pas compte des conséquences fiscales de cette stratégie, ni de la rente AVS. Ils montrent néanmoins qu’il vaut mieux être en bonne santé pour investir dans son 2e pilier, car il faut plusieurs années pour récupérer son investissement.
Les effets d’une retraite anticipée varient aussi selon le règlement de la caisse de pension. Si l’employeur prend les cotisations en charge ou accorde un taux de rémunération plus généreux, il sera bien sûr plus facile de partir avant l’heure. D’où l’importance d’approcher son institution de prévoyance pour mesurer les conséquences financières de chaque scénario.
Edouard, retraite standard
Edouard adopte la formule standard et travaille à plein temps jusqu’à 65 ans. Son salaire assuré est, déduction faite du montant de coordination qui s’élève à 24 360 fr., de 79 640 fr. Comme il cotise à part égale avec son employeur, le montant qui est déduit de son salaire s’élève à 7168 fr. par an.
Dans les sept années qui lui reste à travailler, Edouard versera 50 173 fr. de cotisations. A 65 ans, il touchera de sa caisse de pension une rente annuelle de 38 491 fr. (566 046 fr. x 6,8%), sans compter l’AVS.
Michel, à temps partiel
Désireux de prendre du bon temps, Michel réduit de moitié son taux d’activité à l’âge de 58 ans. Comme la déduction de coordination reste la même, son salaire assuré diminue à 27 640 fr. Ses cotisations baissent en conséquence: il ne versera plus que 2488 fr. par an, soit 17 416 fr. jusqu’à 65 ans.
A ce moment, Michel touchera aussi une rente, diminuée, de 33 759 fr. par an, soit 4732 fr. de moins qu’Edouard, notre «retraité standard».
Ferdinand, le prévoyant
Ferdinand décide également de réduire de moitié son temps de travail. Mais il profite de la modification de la loi pour continuer à verser, de sa poche, les cotisations correspondant à un temps plein pour avoir droit à la rente de 38 491 fr.
Notre préretraité verse donc chaque année la coquette somme de 11 847 fr. dans son bas de laine, puisqu’il doit aussi assumer la part patronale. Ce qui, soit dit en passant, représente plus du quart de son demi-salaire, très modeste: autant dire que Ferdinand devra se serrer la ceinture!
Par rapport à Michel qui travaille aussi à temps partiel, Ferdinand aura ainsi payé un supplément de 65 519 fr. sur les sept ans considérés. Au moment de toucher sa retraite, il empochera certes 4732 fr. de plus par an, mais il faudra vivre jusqu’à 79 ans au moins pour amortir sa mise…
Si on compare sa situation à celle d’Edouard le «retraité standard», Ferdinand le prévoyant paie 32 759 fr. de plus pour une rente équivalente. Il doit en outre se contenter d’un demi-salaire pendant sept ans. Ce scénario n’est applicable que si l’assuré dispose de suffisamment d’épargne (3e pilier) pour nouer les deux bouts!
Baptiste, le stakhanoviste
Tout le monde n’a pas envie de jeter l’éponge à 65 ans, surtout ceux qui ont eu leur capital de retraite réduit par un divorce ou par l’achat d’un bien immobilier. D’où l’intérêt de poursuivre son activité professionnelle jusqu’à 70 ans, tout en continuant à cotiser.
Baptiste le stakhanoviste opte pour cette solution: il va donc verser 35 840 fr. de plus pendant ces cinq années supplémentaires. Le même montant sera versé par son employeur. Pour tenir compte de l’ajournement de la rente, les institutions augmentent le taux de 0,2% par an, soit 7,8% à 70 ans. Ce travailleur zélé touchera donc une retraite annuelle de 54 566 fr., soit 16 075 fr. de plus qu’Edouard, sans compter le fait qu’il aura touché son revenu cinq ans de plus. Une solution qui est, certes, intéressante financièrement, mais qui implique d’aimer et de pouvoir pratiquer son métier jusque-là!
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.