C’est un banal fait divers, sauf pour Jeanne Renaud (Peseux). La voici en effet sommée de payer 1500 fr., soit un tiers des dégâts dus à un accident où sa responsabilité n’est absolument pas engagée. Erreur? Arnaque? Pas du tout! En montant dans une automobile et en la mettant en mouvement, chaque conducteur prend un risque qu’il doit assumer, parfois en payant pour la faute d’un autre.
L’été dernier, Mme Renaud rentre à son domicile au volant de sa voiture. Un cyclomotoriste distrait brûle un «cédez le passage» et emboutit l’automobile à la hauteur de la roue avant. Fort heureusement, il n’y a pas de blessures, mais des dégâts assez importants. Le cyclomotoriste admet sa responsabilité, confirmée par des témoins et la gendarmerie. Pour Mme Renaud, cela ne fait donc pas un pli: elle n’aura rien à payer.
Elle se trompait. Quelques semaines plus tard, elle reçoit en effet une lettre de l’assurance du cyclomotoriste, admettant la responsabilité de son client, mais contestant qu’en quittant prématurément un «cédez le passage», il ait commis «une négligence grave telle que définie par la jurisprudence». Du coup, Mme Renaud doit assumer un tiers des frais, comme aurait d’ailleurs dû le faire n’importe quel automobiliste en pareille situation.
Deux responsabilités
Pour bien comprendre, il faut distinguer deux types de responsabilité: celle due au risque et celle due à la faute.
Pour le risque, la loi différencie deux catégories de véhicules:
- ceux qui présentent un «risque inhérent», comme les motos, les voitures de tourisme, les camions, les autocars ou les tracteurs;
- et ceux qui ne présentent pas un tel risque, à savoir les vélos et les cyclomoteurs (monoplace, moins de 50 cm3 et pas plus de 30 km/h).
La différence saute aux yeux: les véhicules de la première catégorie sont plus gros et plus rapides que ceux de la deuxième, donc potentiellement plus dangereux. De facto, sur le plan du risque, le conducteur d’une automobile est donc toujours responsable lors d’un accident avec un cycliste ou un cyclomotoriste.
Mais c’est là qu’intervient la notion de faute. Si le cyclomotoriste a commis une faute de la circulation, la responsabilité de l’automobiliste sera réduite, voire annulée. Dans l’exemple de Mme Renaud, le cyclomotoriste a brûlé un «cédez le passage», commettant une faute moyenne à lourde. Son assurance estime donc qu’elle doit diminuer de deux tiers la responsabilité de Mme Renaud. Si le cyclomotoriste avait été en état d’ébriété, il aurait alors commis une faute grave et la responsabilité de Mme Renaud aurait été totalement annulée. Autrement dit: la responsabilité du conducteur d’un véhicule présentant un risque inhérent est diminuée selon la gravité de la faute du cycliste ou du cyclomotoriste.
Aucune échelle de cette gravité n’est fixée par la loi ni par la jurisprudence, car les circonstances de l’accident sont souvent déterminantes: on estimera ainsi qu’un cyclomotoriste ayant brûlé un feu rouge à toute vitesse et en toute connaissance de cause a commis une faute grave, alors que s’il ne connaissait pas l’existence de ce feu et que le soleil l’empêchait de bien le voir, il ne s’agira plus que d’une faute moyenne ou lourde.
Ce qu’il faut savoir, c’est que si l’assurance RC d’un automobiliste doit prendre en charge des frais quand bien même son assuré n’a pas commis de faute (comme dans le cas de Mme Renaud), elle ne demandera presque jamais de franchise et ne touchera pas non plus au bonus. Et si Mme Renaud avait eu une assurance casco, elle n’aurait rien eu à payer. En tel cas, la plupart des compagnies renoncent en effet à toucher au bonus, et l’assuré peut, au nom de ce qu’on appelle dans le jargon juridique le droit préférentiel, exiger que l’assurance du cyclomotoriste lui verse l’équivalent de la franchise qu’il devra payer de sa poche.
Christian Chevrolet