Trop occupés à se faire réélire, nos parlementaires feraient-ils passer la protection des consommateurs au second plan? C’est en tout cas ce que laisse penser le refus de l’initiative contre les abus du démarchage téléphonique, par les conseillers nationaux de la Commission des affaires juridiques. En effet, sur les sept membres romands de cette Commission (sur 25 au total), cinq d’entre eux étaient absents le jour de la décision. Cinq absences qui ont peut-être fait basculer le vote (refus par 12 vois contre 8).
Pour rappel, l’initiative de Pierre Bonhôte (lire aussi l’encadré) vise à renforcer le droit des consommateurs lorsqu’ils sont victimes d’un démarchage par téléphone. Il l’avait déposée après avoir lu dans Bon à Savoir que, contrairement aux cas de démarchage à domicile, les victimes de démarchage téléphonique ne bénéficient pas d’un délai de sept jour pour annuler le contrat ou l’achat conclu.
Heureusement tout n’est pas perdu, car l’initiative avait déjà été acceptée par la Commission du Conseil des Etats, et aura donc droit à une seconde chance devant les Chambres. Nous ne pouvons qu’espérer qu’elle ne rejoindra pas la liste des projets de lois pro-consommateurs enterrés par la Confédération (lire BàS 10/2007 «Nouvelles lois en faveur du consommateur»). En attendant, nous sommes revenus sur les motivations des sept conseillers nationaux romands membres de la Commission des affaires juridiques, plus ou moins loquaces (lire ci-dessous).
Yves-Alain Cornu
A VOTÉ POUR:
Carlo Sommaruga Socialiste, Genève
«Je suis persuadé que la contrainte est importante lors d’un démarchage téléphonique. On peut se laisser convaincre par de belles paroles. La pression est énorme! Outre cet aspect psychologique, le consommateur n’a pas la certitude de savoir qui il a réellement en face, contrairement au démarchage à domicile. Le droit de la vente doit impérativement s’adapter!»
SONT FAVORABLES:
Maurice Chevrier PDC, Valais
«J’ai de plus en plus de mal à supporter le démarchage téléphonique. On est sans arrêt dérangé, aussi bien à la maison qu’au bureau, et les démarcheurs usent de tous les arguments pour parvenir à leurs fins! On n’a pas besoin que des vendeurs viennent nous importuner et nous forcer la main.»
Valérie Garbani Socialiste, Neuchâtel
«Cela semble logique d’octroyer le même droit de révocation pour le démarchage téléphonique que pour le porte-à-porte. La pression subie par téléphone est tout autant, voire même plus forte que lors d’un démarchage à domicile. Car on est souvent appelé le soir ou à midi, lorsqu’on est très occupé, et on en vient parfois à accepter l’offre simplement pour que le téléphoniste nous fiche la paix!»
Anne-Catherine Ménetrey-Savary Les Verts, Vaud
«Je suis favorable à l’initiative. Je siégeais dans une autre commission au moment du vote.»
NE SAVENT PAS:
Didier Burkhalter Radical, Neuchâtel
«J’ai été surpris par ce refus. Je reste moi-même ouvert à la discussion sur cette initiative.»
Isabelle Moret Radicale, Vaud
«J’ai besoin du débat pour me décider, mais suis sensible à la protection du consommateur.»
À VOTÉ CONTRE:
Jacques Pagan UDC, Genève
«Les gens ne sont pas des irresponsables. Il ne faut pas les considérer comme des assistés.»
réaction
L’auteur de l’initiative
Pierre Bonhôte Conseiller aux Etats socialiste, Neuchâtel
Pour Pierre Bonhôte, auteur de l’initiative contre les abus du démarchage téléphonique, le contexte a probablement joué en sa défaveur: «Avec la proximité des élections, la majorité n’a peut-être pas voulu montrer son soutien à une initiative socialiste… On en reparlera donc après les élections! Par ailleurs, s’il est facile de rejeter une initiative favorable aux consommateurs dans la confidentialité d’une commission, la refuser au grand jour, en session parlementaire, sera une autre affaire. Enfin, le fait que mon texte ait été examiné par la Commission en même temps que celui de Simonetta Sommaruga, visant l’ensemble du commerce électronique, a peut-être suscité un rejet en bloc.» Pierre Bonhôte garde donc bon espoir quant au succès de son initiative.