Profitant de la pénurie endémique de logements dans plusieurs régions de Suisse romande, certains propriétaires n’hésitent pas à louer à des prix disproportionnés. Mais les locataires disposent d’une parade, toujours peu connue et sous-utilisée. La loi suisse (art. 270 du Code des obligations) permet en effet de contester son loyer, et cela dans les trente jours après avoir reçu les clés de l’appartement!
Trois conditions
Pour accomplir une telle démarche, il faut toutefois qu’une des trois conditions suivantes soit remplie:
- Le locataire s’est trouvé dans une situation personnelle ou familiale contraignante l’obligeant à conclure le bail. Ce peut être par exemple le cas d’un couple qui va avoir un enfant et dont l’appartement était trop petit pour accueillir le nouveau venu ou d’un couple qui s’est marié et a décidé de vivre en commun.
- Le logement appartient à une catégorie (établie selon le nombre de pièces) où règne la pénurie. Le locataire n’a pas à prouver avoir signé le contrat après de vaines recherches, du moment que la pénurie est officiellement déclarée par les autorités cantonales. On parle de pénurie lorsque le taux des logements vides de la catégorie concernée passe sous un certain plancher, fixé par exemple à 1,5% pour Vaud et à 2% pour Genève.
- Le bailleur a profité du changement de locataire pour augmenter le bail d’au moins 10%. Comment le savoir? Sur demande, le bailleur doit indiquer l’ancien loyer. Dans les cantons de Fribourg, Genève, Neuchâtel et Vaud, le propriétaire doit remettre un formulaire officiel indiquant notamment l’ancien loyer lorsque l’appartement appartient à une catégorie où a été déclarée la pénurie.
Ainsi, contrairement à ce qu’on pourrait penser, il n’est pas obligatoire que le loyer ait été augmenté pour lancer une procédure en contestation. On peut aussi tout simplement le faire s’il y a pénurie ou lorsque la situation personnelle de l’occupant l’a contraint à signer le bail.
Dans les trente jours
La contestation doit se faire en saisissant l’autorité compétente cantonale (selon les cantons, la Commission de conciliation, le Tribunal des baux et loyers, etc.) dans les trente jours non pas après la signature du bail, mais après la remise des clés.
Il n’est certes pas évident de faire le pas et de lancer immédiatement un bras de fer contre son nouveau bailleur. Mais l’Association suisse des locataires (Asloca), qui soutient les locataires dans leurs démarches, insiste sur le fait que les économies réalisées peuvent être spectaculaires (lire l’encadré).
1723 fr. de moins par mois
Un exemple tiré de l’ouvrage «Le guide pratique du locataire», réalisé par Bon à Savoir et l’Asloca, montre qu’un locataire qui obtient une réduction de 18% après contestation de son loyer initial de 2080 fr. gagne près de 375 fr. par mois, soit 4500 fr. sur une année, et donc 45 000 fr. si le bail dure dix ans!
Un autre exemple récent, fourni par l’ASLOCA-Genève, fait état d’un appartement de
7 pièces qui est passé de 3625 fr. à… 1875 fr. soit une économie de 1750 fr. par mois. Comme quoi le jeu peut vraiment en valoir la chandelle.
Sébastien Sautebin
Meilleur loyer que l’ancien locataire
En 2006, l’Asloca a remporté une victoire assez surprenante au Tribunal fédéral en matière de contestation de loyer initial.
La Cour suprême a en effet confirmé une décision de la Chambre d’appel en matière de baux et loyers fixant le loyer d’un nouveau locataire à un niveau inférieur à celui payé par le précédent locataire. Un calcul du rendement de l’immeuble a montré que le loyer fixé était tout simplement abusif.
L’heureux vainqueur a donc obtenu un bail à 1455 fr. par mois, charges non comprises, pour un cinq pièces à Puplinge (GE), alors que l’ancien occupant payait 1720 fr. par mois et que le propriétaire voulait l’augmenter à 1790 fr. Economie réalisée: 335 fr., soit 4020 fr. par an!