L’automne dernier, nous relayions dans nos colonnes le drame d’une Vaudoise indirectement condamnée à mort par sa caisse maladie qui refusait de prendre en charge un traitement susceptible de prolonger sa vie («Des médicaments hors de prix pour rester en vie», BàS 9/2016). Deux petits mois ont suffi pour en rencontrer un autre: une lectrice de Bon à Savoir, en lutte contre le cancer depuis 2008, a bien failli, elle aussi, se voir refuser la prise en charge d’un coûteux traitement par immunothérapie, malgré l’acharnement de son médecin traitant (lire page 12).
Selon l’OFSP, 6000 à 8000 «cas exceptionnels» sortent du cadre de la LAMal chaque année et doivent être tranchés individuellement par les caisses maladie et leurs médecins-conseils. Leur multiplication pose des questions terribles: jusqu’à quel montant la collectivité doit-elle prendre en charge les soins les plus onéreux? Quel pourcentage de vies un médicament doit-il sauver pour qu’on accepte de le rembourser? En définitive, à combien exactement se monnaient une année, un mois, une semaine de vie supplémentaires?
Ces transactions-là existent bel est bien. Elles sont traitées de manière froidement scientifique, digérées dans des tableaux où il est question de pourcentage de succès, de taux de survie sans aggravation et de journées de vie escomptées. Des classes de bénéfices se lisent dans leurs cases. D4? Insuffisant pour admettre une prise en charge par l’assurance. E5? C’est gagné! On démarre le traitement.
Déshumanisées, ces méthodes? Elles ne sont, pourtant, que la moins mauvaise solution trouvée pour s’accommoder du prix exorbitant des anticancéreux (100 000 fr. à 300 000 fr.
pour les nouvelles immunothérapies) et tenter de juguler la hausse des primes maladie (+159% en 20 ans). Le problème n’est pas dans la méthode, mais dans le juge. Aujourd’hui, le dernier mot appartient à la caisse maladie, après consultation de son médecin-conseil. Et là, toute la déontologie médicale n’y peut rien: le serment d’Hippocrate ne résiste pas à la pression. Sinon, comment expliquer que deux médecins – celui de l’assurance et celui du patient – rendent si souvent des verdicts opposés? S’il faut fixer un prix à la vie, soit. Mais la gravité de la question exige qu’une instance réellement indépendante soit créée pour en décider et évaluer chaque cas.
Vincent Cherpillod