Quand l’assureur traque
le patient trop bien soigné
Etre hospitalisé, c’est déjà une rude épreuve. En demandant aux patients de veiller à ne pas être soignés plus que nécessaire, l’assureur n’améliore guère la sérénité du séjour.
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Bon à Savoir 07-2006
05.07.2006
Yves-Alain Cornu
Dans le climat devenu permanent de hausse des coûts de la santé, les assureurs aiment à montrer qu’ils luttent contre cette situation. D’ailleurs la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal) exige d’eux qu’ils veillent à contrôler l’adéquation des prestations médicales.
Mais certaines compagnies d’assurance profitent de cette exigence pour pousser le contrôle vers de nouvelles limites.
A l’instar de Supra qui, dans un bulletin d’information aux assurés paru il...
Dans le climat devenu permanent de hausse des coûts de la santé, les assureurs aiment à montrer qu’ils luttent contre cette situation. D’ailleurs la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal) exige d’eux qu’ils veillent à contrôler l’adéquation des prestations médicales.
Mais certaines compagnies d’assurance profitent de cette exigence pour pousser le contrôle vers de nouvelles limites.
A l’instar de Supra qui, dans un bulletin d’information aux assurés paru il y a déjà plusieurs mois, décrivait sa nouvelle ar-me: une infirmière-conseil ayant pour tâche de visiter les assurés séjournant à l’hôpital pour une longue durée.
Des «traitements superflus»
Dans cet article, Supra déplorait «une certaine réticence de quelques établissements hospitaliers», tout en expliquant que «chaque établissement est tenu de limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement».
Pour l’assureur, l’infirmière-conseil doit veiller à ce que les soins prodigués correspondent au type de séjour annoncé, «afin d’éviter des traitements superflus».
Le fait qu’une caisse veille à ne pas rembourser un traitement qui n’a pas été donné est tout à fait légitime. Toutefois, l’expression «traitements superflus» donne plutôt l’impression que les malades seraient «trop» bien soignés par certains hôpitaux. Un sentiment soutenu par la conclusion du même article, dans laquelle Supra invite «tout assuré qui éprouverait des doutes sur la nécessité de certains soins de signaler à l’établissement qu’il souhaite la visite de l’infirmière-conseil ou, s’il le préfère, de prendre contact directement avec l’administration de Supra».
Supra modère, l’OFSP adhère
Surpris par ce qui ressemble à un appel à la délation, nous avons demandé des explications à Supra: «Le but de l’infirmière-conseil n’est pas de mettre en doute l’assuré quant à la nécessité de certains soins reçus, mais de se rendre comp-te de l’adéquation entre les soins qui sont prodigués et les frais qui nous sont facturés»,
a répondu la direction de la caisse. En passant comme chat sur braise sur les doutes évoqués dans son bulletin d’information.
Chargé de surveiller les caisses maladie à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), Daniel Dauwalder ne se dit «pas particulièrement choqué, du moment que les assureurs se soucient de freiner la hausse des coûts».
Mais les hôpitaux ne voient pas cette pratique du même œil. Le porte-parole de l’association faîtière H + Les hôpitaux de Suisse, Reinhard Voegele, estime qu’une infirmière-conseil n’est pas compétente pour mettre en doute les décisions prises par l’hôpital. A quoi Supra rétorque que l’infirmière ne juge pas de l’opportunité des soins prescrits par le corps médical, mais en réfère au médecin-conseil.
Assurés traqués
Tandis que les responsables continuent de se renvoyer la balle, les assurés subissent. Claude Fontaine, secrétaire générale de la section genevoise de l’Association suisse des assurés (Assuas), avoue n’être même plus surprise par de tels procédés. «Les assurés sont traqués et cela devient général, déplore-t-elle. Les caisses ont le droit d’effectuer ce genre de contrôle et elles en profitent. En examinant les cas des hospitalisations de longue durée, les assureurs cherchent surtout à accélérer le mouvement des personnes âgées vers les EMS, dont les prestations coûtent moins cher qu’à l’hôpital.»
Yves-Alain Cornu