«A saisir! Il nous reste une chambre!» Ces messages s’affichent fréquemment lors d’une recherche d’hôtel sur la plateforme www.booking.com, mais aussi sur d’autres. Est-ce que cela signifie que l’établissement est bientôt complet? Pas vraiment, selon notre enquête.
Nous avons en effet simulé la réservation d’une chambre double à Lausanne pour la soirée du 31 décembre prochain par ce biais. La première page de résultats donne tout de suite le ton. Au-dessous de la troisième proposition, soit l’Hôtel AlaGare, on trouve le fameux message en rouge avertissant qu’il ne reste plus qu’une chambre. Or, une même recherche sur le site internet de l’établissement montre qu’il est possible d’en obtenir plusieurs, le même soir. Ce que le réceptionniste nous a confirmé par téléphone.
Le Carlton Lausanne Boutique Hotel est aussi proposé à l’internaute avec la mention «Il nous reste 2 chambres!» toujours inscrite en rouge. En passant directement par le prestataire, il est pourtant possible d’en réserver trois, quatre, cinq, et plus encore!
Tout n’est pas en ligne
Comment donc expliquer ces différences? La réponse est sim-ple: les hôteliers mettent à la disposition de Booking.com – ainsi qu’à d’autres services de réservation en ligne similaires – le contingent qu’ils souhaitent. L’entreprise confirme que les partenaires sont «libres de préciser le nombre de chambres qu’ils veulent mettre à disposition sur la plateforme, ainsi que leur prix, et d’adapter ce nombre à tout moment». Or, avec des quotas restreints, il est plus facile de faire croire que l’établissement est bientôt complet.
Ces méthodes agacent passablement les représentants des hôteliers, même si cela incite les internautes à consommer. Le problème est que les intermédiaires prennent d’importantes commissions. L’hôtel a donc tout avantage à ce que les clients passent par leur propre système en ligne, par téléphone ou directement sur place.
La Comco allemande agit
Booking.com a essuyé une première défaite, cet automne, face à l’association des hôteliers germanique. La Commission de la concurrence allemande a imposé l’ajout de la mention «sur ce site» aux messages incriminés. Aucune demande similaire n’a encore été faite dans notre pays. «Naturellement, Booking.com se conformera à toutes les obligations légales, que ce soit en Suisse où dans n’importe quel autre pays où ses services sont disponibles», réagit la société.
Et les choses pourraient changer prochainement. Car hôtelleriesuisse est aussi d’avis que ces messages, mais également d’autres comme ceux annonçant qu’un client a fait une réservation «il y a quinze minutes» ou que «sept autres personnes consultent actuellement cet hôtel», induisent un stress chez l’internaute. L’organe juge que ces comportements peuvent être considérés comme déloyaux, au vu de la concurrence.
«Un niveau optimal d’information»
La Commission fédérale de la concurrence a d’ailleurs ouvert une enquête sur ces sociétés de services. Elle concerne ce genre d’agissements ainsi que la garantie du meilleur prix, soit l’obligation, pour les hôteliers, de ne pas proposer des tarifs plus bas. Cette clause pourrait être considérée comme un abus de position dominante. Les conclusions sont attendues en 2015.
Interpellé sur ces griefs, Booking.com s’estime irréprochable. «Ces messages ont pour but d’assurer aux consommateurs un niveau optimal d’information et de leur permettre de ne manquer aucune opportunité offerte sur notre site, répond l’entreprise. Les hébergements ou les autres agences de voyages en ligne ont toute liberté d’apporter les mêmes précisions à leurs utilisateurs.»
Quoi qu’il en soit, les internautes auront fin nez de ne pas cliquer trop vite sur «Réserver» lorsqu’ils surfent sur Booking.com. Et de s’assurer de la disponibilité de plusieurs chambres en contactant directement ces établissements eux-mêmes.
Loïc Delacour