Les consommateurs sont devenus exigeants en matière de provenance des denrées alimentaires. Or, ils ignorent le plus souvent celle de leurs meubles, tout comme leur composition. Vu l’essor de la déco, il ne serait pourtant pas inutile d’y réfléchir aussi, à l’achat d’un mobilier.
Même avec la meilleure volonté du monde, les clients auront toutefois bien du mal à faire leur choix de manière éclairée: à quelques rares exceptions près, aucun meuble vendu en Suisse n’est clairement étiqueté. Ce constat effarant ressort de notre enquête menée en collaboration avec l’émission On en parle (RSR, La Première). Nous avons en effet parcouru les rayons de huit grandes enseignes présentes en Suisse romande, à la recherche de six meubles différents: une table de cuisine, un lit et une armoire en bois massif et leurs variantes en bois aggloméré (voir tableau ci-dessous).
Indications lacunaires
Nous avons cherché, sur les étiquettes, de quels bois ces meubles étaient constitués, d’où provenaient les arbres et où ils avaient ensuite été fabriqués. Au total, pour les six articles recherchés, nous aurions donc dû retrouver 18 informations dans chaque magasin. Dans le détail, on relève que le plus transparent est Pfister, mais avec seulement 8 indications sur 18 (en vert dans le tableau). A l’opposé, Otto’s n’en fournit qu’une seule. Et, entre les deux, tous les concurrents se limitent à ne mentionner que l’espèce des bois pour les trois meubles massifs.
Au vu de cet affichage lacunaire, nous avons demandé aux représentants de ces enseignes de compléter les cases manquantes (en bleu). Là encore, Conforama excepté, aucun magasin ne nous a fourni la totalité des informations (en rouge). Nous en avons toutefois suffisamment collectées pour constater que les provenances sont très variées, avec quelques aberrations comme le lit en chêne massif d’Interio, dont le bois allemand est envoyé au Vietnam pour être transformé, avant de revenir dans le magasin en Suisse.
Obligation d’informer
Le manque de transparence dans le marché du meuble est d’autant plus étonnant qu’une nouvelle ordonnance fédérale est entrée en vigueur le 1er octobre 2010. Celle-ci exige que les vendeurs affichent clairement les espèces de bois et leur provenance. Leur lieu de fabrication n’est cependant pas exigé. Autre bémol, seuls les meubles en bois massif sont touchés par cette réglementation, et pas les agglomérés.
Par ailleurs, un délai d’application est laissé jusqu’au 31 décembre prochain. Une excuse bien commode – pardonnez le jeu de mot – que les fabricants n’ont pas manqué de nous servir. Mais tout sera prêt pour 2012, nous promettent-ils, date à partir de laquelle des contrôles seront effectués par le Bureau fédéral de la consommation.
En attendant plus de clarté, les consommateurs peuvent toujours tenter de se renseigner auprès des vendeurs. Et consulter le guide d’achat en ligne du WWF, qui indique les espèces et les provenances à éviter pour nuire le moins possible à l’environnement*.
Yves-Alain Cornu
*Lien du mois:Meubles en bois
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
DÉCRYPTAGE
Du «Swiss Made» à géométrie variable
La plupart des magasins de meubles affichent fièrement, sur de nombreux articles, un logo «Swiss Made» assorti du drapeau helvétique. Mais cette mention garantit-elle réellement que ces meubles sont à 100% de fabrication nationale? Pas d’après la loi, qui permet à tout produit fabriqué en Suisse d’arborer une appellation «Qualité suisse», «Made in Switzerland» ou autre, du moment que le processus essentiel de fabrication ait eu lieu dans notre pays (transformation du bois en meubles, par exemple) et que la moitié des coûts de production ait été réalisée en Suisse (matières premières, pièces détachées et salaires).
Pratiques diverses
Interrogés sur ce point, les distributeurs montrent des pratiques différentes: Fly indique que les meubles «Swiss Made» sont en bois suisse à 90%, Interio et Otto’s promettent même du 100%. Quant à Micasa, Pfister, Conforama et Toptip, ils se rangent derrière l’interprétation légale.
Mais, de l’aveu même de la Confédération, si la législation prévoyait de réserver le «Swiss Made» aux produits entièrement fabriqués en Suisse, «quasiment plus personne ne pourrait utiliser cette indication, à part peut-être ceux avec des produits de niche».