Vous avez été nombreux à demander des précisions suite à la lecture de notre article sur le 3e pilier (page 4 de notre édition de novembre). Résumé du contenu: les personnes cotisant pour un 3e pilier A peuvent déduire leurs cotisations des impôts, mais comme presque tous les cantons vont prochainement modifier leur système de taxation, il serait improductif – sur le plan fiscal – de payer des primes durant l’an ou les deux ans précédant la date de ce changement.
Interrogées à ce sujet, certaines commissions d’impôts ont répondu à nos lecteurs ne rien savoir ou comprendre à nos propos. Il est vrai que nous avons parfois mis la charrue avant les bœufs: dans certains cantons, le changement de système risque en effet de ne se faire qu’en 2003, et nos conseils seront donc valables pour 2001-2002 plutôt que pour 1999-2000 (lire ci-après la réponse 5). Pour le reste, ces mêmes commissions font preuve d’une certaine mauvaise foi: même si certains cantons n’ont pas encore officialisé le choix du système qu’ils vont adopter, tout le monde sait en effet que la majorité, voire la totalité d’entre eux optera pour la taxation annuelle «en direct» (lire ci-dessous la réponse 1). Et donc que notre raisonnement est non seulement correct, mais aussi facilement compréhensible pour des spécialistes.
Nos lecteurs ne sont cependant pas des spécialistes. Nous battons donc notre coulpe et revenons en détail sur notre enquête en répondant aux questions que vous nous avez fait parvenir.
1 – Qu’appelez-vous exactement un trou fiscal?
A cause de l’harmonisation fiscale sur le plan fédéral, tous les cantons devraient, au 1er janvier 2001 (ou 2003), adopter la règle de la taxation annuelle «en direct». C’est-à-dire qu’en 2001, le contribuable paiera ses impôts en fonction de ce qu’il envisage de gagner (et pouvoir déduire) durant l’année en cours, soit en 2001. Le canton de Bâle-Ville fonctionne déjà avec ce système depuis 1993, Zurich et Thurgovie feront le saut l’an prochain.
La majorité des autres cantons connaissent encore le système de la taxation biennale. C’est-à-dire que le contribuable paie ses impôts pendant deux ans en fonction de ce qu’il a gagné (et déduit) les deux années précédentes. Exemple:
• en 1997-98, le contribuable vaudois a payé ses impôts en fonction de ce qu’il a gagné (et déduit) en 1995-96;
• en 1999-2000, il va les payer en fonction de ce qu’il a gagné (et déduit) en 1997-98;
• changement de système en 2001 (ou en 2003): il va payer ses impôts en fonction de ce qu’il envisage de gagner (et de déduire) durant l’année en cours, soit en 2001 (ou en 2003);
• et ainsi de suite...
Il y a donc un «trou fiscal» de deux ans, puisque qu’il ne va jamais payer d’impôts en fonction de ce qu’il a gagné (et de ce qu’il aurait pu déduire) en 1999-2000 (ou en 2001-2002).
Mais quelques cantons (Genève, Jura, Neuchâtel et Soleure) connaissent le système de la taxation annuelle «en différé». C’est-à-dire que le contribuable paie ses impôts chaque année en fonction de ce qu’il a gagné (et déduit) l’année précédente. Il y aura donc, là aussi, un «trou fiscal», mais d’une année seulement, puisque le contribuable ne va jamais payer d’impôts en fonction de ce qu’il a gagné (et qu’il aurait pu déduire) durant l’an 2000.
2 – Pourquoi parler du 3e pilier A seulement dans la cadre du «trou fiscal»?
Parce qu’il s’agit d’une déduction «provisoire et maniable».
Provisoire parce que si le fisc autorise les salariés à déduire chaque année 5789 fr. (en 1999) et les indépendants 28 944 fr. (avec certaines restrictions) au titre du 3e pilier A, il les attend à la sortie. C’est-à-dire qu’il imposera leur capital épargné lorsqu’ils le toucheront, le plus souvent à l’heure de leur retraite (mais en prévision de la taxation intermédiaire, l’assuré cesse généralement de cotiser un ou deux ans avant cette échéance).
Maniable parce qu’il existe de nombreuses possibilités de réduire, ou même de provisoirement suspendre le versement des primes, comme nous l’avons expliqué dans notre édition de novembre dernier.
3 – Mais quel est l’intérêt pour le contribuable de suspendre ou limiter provisoirement le versement de ses primes?
Comme nous venons de le voir, l’intérêt d’un 3e pilier A (par rapport à une autre forme d’épargne), c’est de pouvoir déduire les primes des impôts. Or, celles payées en 2000 et/ou en 1999 ne seront jamais prises en considération, puisqu’elles seront versées durant le «trou fiscal».
Qu’on se comprenne bien: vous pourrez de toute façon déduire vos primes en 2001 puisque vous envisagez de les payer durant 2001. Mais sur le plan fiscal, celles que vous aurez payées en 2000 et/ou en 1999 sont totalement inutiles.
En fait, trois cas de figure peuvent se présenter:
• Vous envisagiez de souscrire un 3e pilier A en 1999 ou en 2000: il vaut peut-être la peine d’attendre 2001 et de placer l’argent que vous comptiez investir sous une autre forme d’épargne mieux rémunérée. C’est possible, mais pas évident avec l’effondrement des taux d’intérêt. Pour exemple, la Banque Cantonale Vaudoise rétribuait, au 1.12.98, un carnet d’épargne classique avec 1,25% d’intérêt, mais ses comptes 3e pilier A avec un intérêt de 3%.
• Vous comptiez augmenter vos primes en 1999 ou en 2000: là encore, il vaut peut-être mieux attendre 2001, puisque vous ne pourrez de toute façon pas déduire cette différence.
• Vous êtes de toute façon au maximum déductible: il vaut la peine de vous demander, pour autant que ce soit possible et sans frais, s’il n’y a pas lieu de diminuer ou de suspendre le versement de vos primes en 2000 et/ou en 1999, et de placer cet argent sous une forme d’épargne mieux rémunérée, mais en revenant bien sûr au maximum dès 2001.
4 – Votre raisonnement n’est valable que sur le plan fiscal.
C’est exact. Voilà pourquoi nous avons bien rappelé, dans notre article précédent, que le 3e pilier A était aussi une assurance vie et que les primes étaient prises en charge par l’assureur en cas d’invalidité: cela appelle réflexion. Et voilà aussi pourquoi nous vous suggérons de ne pas suspendre votre épargne deux ans durant, mais de la gérer autrement, puisque la principale raison du choix d’un 3e pilier A au lieu d’une autre forme d’épargne est provisoirement annulée.
5 – Certains canton n’envisagent-ils pas d’introduire plus tardivement le nouveau système de taxation?
Oui, et c’est là où les choses se compliquent... Le Parlement a en effet décidé, en octobre dernier, que les cantons devaient choisir leur système d’ici à 2001, mais il n’a pas donné une date limite à l’introduction de ce même système. Certains cantons risquent donc de choisir la date du changement pendant le fameux «trou fiscal». En Suisse romande, Genève et le Jura ont toutefois pris la décision formelle de faire le saut en 2001. Comme il s’agit de deux cantons avec un système annuel «en différé», il n’y aura donc qu’une année de «trou fiscal» (2000). L’immense majorité des cantons alémaniques, tout comme Neuchâtel et Berne, feront vraisemblablement de même. Mais certains cantons, tels Fribourg, Vaud et Valais, ne pourraient le faire qu’à la prochaine année impaire (2003). Dans ce dernier cas, le «trou fiscal» tombera en 2001-2002.
Christian Chevrolet
STATISTIQUES
Les dépenses pour la santé
Chaque Suisse a déboursé, en 1996, une moyenne de 3750 fr. pour sa santé. Les Américains ont certes dépensé nettement plus (5847 fr.), mais l’Helvète détient ainsi le record européen. La moyenne des dépenses pour les 29 pays retenus par l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) s’élève à 2262 fr. Les Suisses ont donc dépensé 66% de plus que le citoyen européen moyen, mais dix fois plus qu’un Turc (348 francs).
En Suisse, les dépenses de santé dans leur ensemble se sont accrues de presque 80% entre 1987 et 1997. Moins des deux cinquièmes seulement sont supportés par l’assurance maladie obligatoire. En tels cas, on distingue trois grands groupes de dépenses, selon qu’elles sont liées aux hôpitaux (33%), aux médecins (25%) ou aux médicaments (18%).
Coût de la santé
USA 5847
Suisse 3750
Allemagne 3418
Luxembourg 3209
Canada 3098
France 2975
Norvège 2892
Dépenses en francs
par personne en 1996
Source: OCDE