Isabelle Lagarde a une dent contre Assura. A l’origine de cette contrariété, une carie, soignée récemment. Bien que notre lectrice soit au bénéfice d’une complémentaire dentaire Denta Plus, la compagnie a refusé de prendre en charge le traitement, facturé 380 fr.!
Assura a justifié sa décision en rappelant à sa cliente que sa demande a été acceptée avec des réserves lorsqu’elle a signé sa police Denta Plus, en 2010. Un courrier avait ainsi annoncé que la couverture de «tout traitement sur la première molaire inférieure droite, y compris son remplacement» serait exclue, de même qu’«une obturation ou un inlay sur la 2e molaire inférieure gauche». Or, c’est précisément cette dernière qui a été traitée...
Rétrospectivement, notre lectrice estime qu’il ne valait financièrement pas le coup de contracter cette police. D’autant qu’elle n’a quasiment jamais rendu visite à son dentiste au cours des dernières années, hormis pour un contrôle et un détartrage annuels.
Dispositions très restrictives
Elle n’est pas la seule. L’utilité des assurances complémentaires dentaires fait débat. La Société suisse des médecins-dentistes (SSO) est d’avis qu’une telle couverture ne se justifie guère pour les adultes (lire encadré). «Les primes sont certes bon marché, mais les prestations sont très restreintes. Il vaut mieux se brosser soigneusement les dents et mettre un peu d’argent de côté», conseille Marco Tackenberg, son porte-parole. Une opinion partagée par la Fédération suisse des patients, qui pointe également du doigt «les dispositions très restrictives en ce qui concerne le droit au remboursement des prestations».
Les réponses aux questions envoyées à sept grands assureurs (Assura, CSS, Helsana, Swica, Concordia, Visana, CPT) ainsi que la lecture de leurs CGA confirment ce point de vue. En fait, les restrictions commencent à l’admission. Comme la LCA l’autorise, une demande peut être tout simplement refusée, sans justification. Dans la pratique, les sept compagnies contactées exigent au préalable un certificat d’un médecin-dentiste sur l’état de la denture du patient. La sélection peut alors être drastique. «En présence de ponts, de prothèses ou de couronnes, nous refusons la conclusion de l’assurance», révèle ainsi Barbara Weber, porte-parole de CPT.
En d’autres termes, les sept caisses privilégient les bons risques, excluent les mauvais et fixent des limitations à certains, comme cela a été le cas avec Isabelle Lagarde. C’est pourquoi l’état de la dentition, lors de la signature du contrat, est déterminante: les problèmes relevés ne seront pas pris en charge par l’assureur.
Les traitements esthétiques, tels le blanchiment et la correction de la position des dents, sont aussi, généralement, exclus. L’extraction des dents de sagesse n’est pas toujours couverte non plus. D’où l’importance de bien parcourir la liste des restrictions avant de s’engager.
Délai de carence
Parmi les autres points à examiner, il y a le fameux délai de carence qui peut varier entre six mois et deux ans après le début du contrat. Pendant cette période, certains traitements ne sont pas pris en charge. Il existe aussi un âge limite d’admission, entre 60 ans et 70 ans, selon les compagnies, voire même 50 ans chez Assura.
Avec toutes ces limitations, l’intérêt d’une telle complémentaire est donc pour le moins contestable. Surtout que seules les personnes n’ayant pas de gros soucis dentaires seront acceptées. Or, en prenant la Denta de CPT (niveau 1), par exemple, un adulte de 31 à 35 ans paie 245 fr. par an pour une prise en charge de 50% des coûts jusqu’à 500 fr. au maximum. Il faut donc au moins 490 fr. de frais reconnus chaque année pour compenser le coût des primes!
Sur la base de onze polices d’assurance, nos confrères du magazine K-Tipp estimaient, en 2014, qu’une telle complémentaire ne vaut financièrement la peine que lorsque les frais de dentistes s’élèvent de 500 fr. à 2000 fr. au moins par an selon les compagnies. Et, si tel est le cas, rien ne garantit que l’assureur acceptera de verser ce montant pendant plusieurs années sans résilier la police.
Sébastien Sautebin
En pratique
Pour les enfants
Contrairement aux adultes, il peut valoir le coup de signer une police pour les enfants, estime la SSO. Car les traitements orthodontiques atteignent des montants de 8000 fr. à 10 000 fr. et sont pris en charge. Certains assureurs couvrent ainsi jusqu’à 80% des frais. Et, pour les enfants en bas âge, ils ne demandent pas de certificat de dentition au préalable. Attention toutefois, une enquête de Bon à Savoir a montré que certaines caisses ne remboursent pas le prix réel du point tarifaire, ce qui peut faire chuter le taux de couverture réelle jusqu’à la moitié de celle annoncée par l’assureur. (Lire «Orthodontie sous-assurée» BàS 04/2011.)