«Economisez-vous les comparaisons de prix!» déclare la publicité de Coop pour ses fameux Prix Garantie. Peut-être dans les rayons de ce magasin, mais ailleurs, qu’on nous permette de faire notre travail… Et quel travail! Pour permettre aux consommateurs de comparer le coût des produits alimentaires vendus à des prix d’appel (prix bas permanents) dans les six principaux magasins de Suisse romande, il nous a fallu intégrer quelque 13 000 chiffres dans un énorme tableau, que nos lecteurs peuvent découvrir sur notre site internet.
Rabais ciblés
Le résultat de l’opération se résume toutefois à un constat: dites M-Budget, Prix Garantie, No1 ou Top Prix et, comme par miracle, les marges fondent… Mais elles ne fondent pas n’importe comment: tous s’observent en chiens de faïence et adaptent leurs prix en fonction de ses principaux concurrents. Prenez l’exemple des deux géants Coop et Migros: si l’on additionne les prix pondérés des 130 articles communs qu’ils proposent à des prix bas permanents, on arrive à une différence de 1,75% (voir tableau en page 23). Idem pour les 88 articles communs vendus par les deux outsiders français: Carrefour et Casino sont à moins de 1% de différence, autrement dit rien si l’on considère que, dans cet exercice, ni la qualité, ni la composition exacte du produit sont prises en considération.
Une liste de 527 produits
Pour mener notre travail, nous avons établi la liste la plus complète possible de tous les produits alimentaires proposés à prix d’appel (hors actions et promotions) par Migros (M-Budget), Coop (Prix Garantie), Carrefour (No1), Casino (Premier Prix) et Manor (Top Prix). Elle contient 527 articles, allant des produits frais (fruits, légumes, poisson, viande, lait, fromage, etc.) aux boîtes et congelés, en passant par les sucreries (chocolat, biscuits, bonbons, etc.) et la nourriture pour chiens et chats.
Il était bien sûr impossible de relever nous-mêmes les indications de chaque article, aussi nous sommes-nous fondés sur les listes fournies par les différents commerces des prix en vigueur le 10 avril. Nous avons également demandé à Denner, qui ne pratique pas la politique du prix d’appel, de nous indiquer tous les prix normaux proposés pour les articles en stock dans ses rayons.
Les limites
de la comparaison
L’immense difficulté de l’exercice tient dans la composition du produit. Un litre d’eau gazéifiée reste en effet un litre d’eau: sa teneur en gaz ou en sel peut certes varier, mais ce sont des détails qui n’enlèvent rien à une exacte comparaison du prix. Il en va tout autrement lorsqu’il s’agit, par exemple, d’un paquet de gaufrettes au chocolat, car rien n’est dit de la quantité ni de la qualité de la graisse, du cacao, etc. Du coup, valent-elles les 6.75 fr./kg demandés par Carrefour et Casino, ou les 10.33 fr./kg affichés par Coop et Migros? Impossible, bien sûr, de répondre à cette question dans une comparaison aussi massive.
Nous nous sommes donc contentés de récolter les prix, puis de les notifier et les pondérer à des unités de mesure classiques (kilo, litre, unités) pour rendre la comparaison possible. C’est ainsi que l’on s’aperçoit qu’un kilo de farine est vendu strictement au même prix dans les six magasins comparés (1.10 fr.), mais que le prix de la moutarde varie du simple au double (tableau ci-dessous).
Toutefois, sur les 527 articles de notre liste, seuls 24 sont proposés par les six commerces à un prix bas permanent (voir tableau page 19). Mais on le sait, dans ce secteur très grand public, l’espionnage est de mise et le total des prix ne varie donc que de 2,7% entre les cinq premiers: Carrefour et Casino gardent une petite avance sur Denner, Migros et Coop, Manor fermant traditionnellement la marche. Une tendance qui se confirme avec les 45 articles proposés dans cinq magasins (tableau ci-dessous). Mais attention, cela ne veut pas dire pour autant que comparer est inutile: ainsi, par exemple, le propriétaire d’un chien va payer 40% meilleur marché sa boîte de viande à Carrefour qu’à Migros, alors que la différence totale entre les deux commerces n’est que de 4%…
Ça va de paire...
Il n’y a qu’une vingtaine de produits alimentaires proposés à des prix bas permanents par tous les commerces retenus pour notre comparaison. La liste exhaustive (527 articles) est publiée sur notre site internet*, sans totaux, mais produit par produit en fonction de groupes tels que la viande, les boissons, les surgelés, la boulangerie, etc. L’emballage de chaque produit est décrit (par exemple: 6 x 1,5 litre d’eau gazeuse), ainsi que son prix (1.95 fr.) et le prix pondéré (0.22/litre).
Migros est le commerce qui propose le plus de prix bas permanents, puisque nous avons retenu 283 produits alimentaires de sa gamme M-Budget. Carrefour suit avec 262 articles, Coop avec 203, Casino 156 et Manor 154, Denner ayant complété la liste avec 219 prix «normaux».
Avec toutes les réserves expliquées en page 19 (relatives à la qualité et à la similitude des produits), nous nous sommes livrés à un petit exercice comparatif en opposant des paires de commerces en fonction des produits communs qu’ils proposent à prix d’appel.
Coop- Migros
Exemple avec le résultat le plus attendu: Coop et Migros. Les deux géants du marché suisse proposent 130 produits alimentaires communs dans leur gamme Prix Garantie et M-Budget. Or, le total des prix pondérés (au kilo/litre/unité) de ces 130 articles représente respectivement 1041.11 fr. et 1023.16 fr., soit une petite différence de 1.75% en faveur de Migros! D’ailleurs, la moitié des produits sont proposés exactement au même prix, et un autre tiers avec une différence de 1% seulement. Autrement dit, 8 articles sur 10 sont vendus à un prix presque similaire.
Autre match attendu, celui des deux outsiders français Carrefour et Casino. Là aussi, la différence (il est vrai sur 88 articles seulement) est risible: pas même 1%. Et le prix pondéré de 72% des produits ne varie pas plus de ± 1%.
Quant à Denner qui – rappelons-le – affiche des prix «normaux» (pas de gamme low cost), il tire plutôt bien son épingle du jeu, puisqu’il se permet d’être à armes égales avec Coop et devance même Casino.
Manor, enfin, reste traditionnellement plus cher que ses concurrents, de 10% en moyenne, mais sur un nombre restreint de produits communs.
Le poids de la viande
Finalement, on peut donc se demander si la pub de Coop n’a pas raison: faut-il vraiment guetter les prix en permanence pour des différences aussi minimes? La réponse est oui, car il faut bien comprendre que ces comparaisons ne tiennent compte que d’un choix restreint d’articles communs. En analysant plus longuement la liste disponible sur notre site internet, on repérera ainsi des différences de prix notables sur certains articles.
Exemple: les cuisses de poulet coûtaient, le 10 avril dernier, deux fois plus chez Coop que chez Carrefour. Et le jambon fumé se payait deux fois plus cher chez Migros que chez Denner mais, à l’inverse, le géant orange proposait des escalopes de porc 70% meilleur marché que Denner; pourtant, aucune action n’a été prise en compte. Idem entre les deux gros concurrents: le 10 avril dernier, le steak de bœuf se vendait 31 fr. le kilo chez Coop contre 38 fr. chez Migros, mais le fromage d’Italie 12 fr./kg contre 15.85 fr.
Moralité de l’exercice: pour ce type d’articles, il est possible de donner des tendances générales, mais en aucun cas de prétendre que tel ou tel commerce est systématiquement meilleur marché qu’un autre. Et – ce qui n’arrange rien – il faut se rappeler que des prix bas permanent sont très relatifs, puisque ceux des produits frais changent régulièrement, et que durant notre enquête (environ trois semaines), plusieurs articles ont été retiré ou introduits…
Christian Chevrolet