Avec la multiplication des tapis roulants dans les supermarchés, qui n’a jamais peiné à pousser son chariot plein, avec la crainte de rester «prisonnier» de la mécanique? Pour Claudia Herzog, le cauchemar est devenu réalité. Le
17 janvier 2003, alors qu’elle empruntait le tapis roulant de la Coop-Caroline à Lausanne, son chariot s’est mis de travers, lui heurtant le ventre et lui écrasant un pied. A ses cris, un employé a stoppé la machine et l’a sortie de ce mauvais pas, avant de lui apporter de la glace pour calmer la douleur du pied enflé. Encore sous le choc, notre lectrice est rentrée chez elle en boitant.
Pas d’excuse
Au fil des jours, Claudia Herzog s’est aperçue qu’elle souffrait d’une vilaine déchirure des ligaments, qui, malgré des soins médicaux, continuait à entraver sa marche. Au bout de trois mois, comme elle boitait encore, elle s’est décidée à réclamer un dédommagement à la direction romande de la Coop à Renens. En retour, elle a reçu un courrier de l’assurance RC du supermarché, lui refusant toute indemnité et la priant d’apporter la preuve de la responsabilité de la Coop dans cette affaire.
«Je n’ai même pas reçu un mot d’excuse», s’indigne Madame Herzog. Notre lectrice s’adresse donc à un avocat, Eric Stauffacher, qui est rapidement convaincu du bien-fondé de la requête de sa cliente: «N’importe quel commerce doit être à même d’assurer une sécurité absolue de sa clientèle lors d’une utilisation ordinaire de ses installations. Le seul fait que, lors d’un usage normal par ma cliente de ce tapis roulant, un tel accident ait pu se produire, est le signe, avec une vraisemblance confinant à la certitude, que le matériel était défectueux.»
Toutefois, si le propriétaire d’une installation telle qu’un tapis roulant est responsa-ble d’un accident provoqué par un vice de construction ou un défaut d’entretien, il appartient au plaignant d’apporter la preuve du dommage. Concrètement, Madame Herzog aurait dû faire mettre le chariot de côté,
afin que des experts puissent l’examiner. Un réflexe qu’elle n’a pas eu sous l’emprise de l’émotion et c’est bien compréhensible!
Lacune juridique
Pour Me Stauffacher, l’examen du chariot aurait probablement montré que ses roues étaient défectueuses, ce qui aurait causé le déraillement. «Il est difficile pour une victime, dans un pareil cas, de conserver les preuves techniques. Il est clair que le droit suisse comporte une lacune pour les accidents d’escaliers roulants et d’ascenseurs.»
Mais l’avocat a trouvé le moyen de contourner le problème de la preuve. Il estime que, dès l’instant où un client rentre dans l’enceinte fermée d’un supermarché, un contrat se conclut entre lui et le commerçant. Or, en cas de responsabilité contractuelle, c’est au propriétaire de l’ouvrage (l’escalier roulant) de prouver qu’il a pris toutes les précautions qui s’imposaient.
Coop s’explique
A la direction romande de la Coop, Raymond Léchaire ne peut se prononcer sur ces arguments. Il explique que le cas de Madame Herzog a été directement transmis à l’assurance RC. «Dans un cas comme celui-là, il est vrai que nous évitons les lettres d’excuses ou les gestes commerciaux, car ils pourraient passer pour des aveux de responsabilité. Mais il faut que je me renseigne pour voir si nous ne pourrions tout de même pas exprimer nos regrets.»
En fin de compte, la Coop n’a reconnu aucune responsabilité dans cette affaire, comme nous l’apprend son service de presse à Bâle, après avoir contacté l’assurance RC. C’est par une «convention de règlement» que celle-ci a finalement alloué une somme de 3000 fr. à notre lectrice. Cette transaction montre que la Coop n’a pas pris à la légère le risque de perdre un procès, s’il avait eu lieu.
Suzanne Pasquier
responsabilité
Un simple panneau ne suffit pas
«Nous déclinons toute responsabilité en cas d’accident lors de l’usage de nos installations.» Un avertissement de ce type risquerait de faire fuir la clientèle d’un supermarché… Protègerait-il néanmoins une entreprise en cas de dommage? Pas vraiment. Pour prendre l’exemple exposé ci-dessus, le propriétaire d’un tapis roulant ne pourrait être libéré que d’une faute légère. S’il a commis une faute moyenne à grave, sa responsabilité resterait entière, pour autant que la personne lésée apporte les preuves nécessaires.
Une pancarte avec exclusion de responsabilité est efficace si le risque est clairement décrit. Ainsi, une personne qui pénétrerait sur un chantier interdit malgré un avertissement, sera certainement rendue responsable d’un éventuel accident. Dans le cas du tapis roulant en revanche, rien ne laisse présager que celui qui l’emprunte encourt un risque. L’installation est même censée être si sûre qu’elle n’est pas surveillée en permanence.