Marie(prénom d’emprunt) est une jeune femme prévoyante. Aussi, comme bon nombre de nos lecteurs, elle a décidé de se constituer un petit capital vieillesse pour assurer sa retraite et a conclu à cet effet un contrat d’assurance-vie auprès de la Generali Personenversicherung. Le contrat est entré en vigueur le 1er juin 2001.
Quelques jours plus tard, l’intéressée fait une grave dépression qui la rend inapte à exercer sa profession de physiothérapeute. Par chance, l’assurance-vie prévoit justement l’octroi d’une rente mensuelle de 500 fr. après deux ans d’incapacité de gain. En janvier 2003, Marie, qui n’est pas encore guérie, annonce donc à la Generali l’incapacité de travail consécutive à son épisode dépressif.
Contrat annulé
La réponse de l’assureur ne se fait pas attendre: non seulement il ne versera pas un sou à son assurée, mais en plus il annule le contrat avec effet immédiat pour cause de réticence (lire encadré ci-dessous). A l’appui de cette surprenante décision, la Generali soutient qu’elle était dans l’ignorance des problèmes de santé de son assurée lors de l’envoi de la police d’assurance en août 2001, soit trois mois après l’entrée en vigueur du contrat.
Marie est révoltée. Elle ne peut en effet concevoir qu’un assureur puisse refuser de prendre en charge un sinistre survenu après l’entrée en vigueur du contrat pour le seul motif qu’il n’a pas encore adressé la police d’assurance à son client. Cela lui paraît d’autant plus incongru qu’elle a clairement signalé à la Generali, lors de la conclusion du contrat, avoir déjà subi des épisodes dépressifs par le passé. Bref, contrairement à ce qu’affirme l’assureur, il ne pouvait pas ignorer les problèmes de santé et les risques de rechute de sa cliente...
Marie tente alors à de nombreuses reprises de faire entendre raison à son assurance. Mais la Generali campe sur ses positions et soutient mordicus qu’en cachant sa dépression, même après l’entrée en vigueur du contrat, sa cliente n’a pas rempli ses obligations contractuelles et ne peut donc bénéficier de la couverture à laquelle elle a droit.
Gain de cause
Convaincue de son bon droit, notre lectrice, assistée par l’Assuas (Association suisse des assurés), engage une action en justice contre la Generali. Bien lui en prend puis-
que le tribunal lui donna gain de cause(1). Les juges constatent non seulement que le contrat n’a pas valablement été annulé, mais ils reconnaissent également à Marie un droit à la rente mensuelle de perte de gain prévue contractuellement.
La ténacité paie
La ténacité de la jeune femme se voit ainsi pleinement récompensée. Si l’on ne peut que s’en réjouir, cela ne nous empêchera toutefois pas de penser qu’il s’agit là d’un cas exceptionnel. Car une grande majorité d’assurés n’a pas le temps ou l’énergie d’entamer une procédure judiciaire qui peut s’avérer longue, coûteuse et à l’issue incertaine. Les assureurs en sont d’ailleurs parfaitement conscients et tablent probablement sur cette éventualité, non sans un certain cynisme, avant de se résoudre à verser des prestations.
Gilles-Antoine Hofstetter,
Assuas Vaud*
(1) La Generali peut recourir contre ce jugement.
problème de réticence
Avant et après la signature
Le cas relaté ci-dessus soulève la problématique des informations médicales que l’assuré est tenu de fournir à l’assureur, que ce soit d’ailleurs en relation avec des troubles psychiques ou physiques.
Lors de la conclusion du contrat d’assurance, l’assuré doit déclarer tout fait important au sujet de son état de santé et donc répondre complètement et véridiquement au questionnaire de santé qui lui est généralement soumis. S’il ne le fait pas et que l’assureur s’en aperçoit (par exemple lors d’une demande de prise en charge), ce dernier peut estimer qu’il n’est plus lié par le contrat s’il s’en départit dans les quatre semaines à partir du moment où il a eu connaissance de ce que la loi qualifie de «réticence». Voilà pourquoi l’ASSUAS a toujours donné aux assurés le conseil de ne rien cacher sur leur état de santé.
En revanche, une fois le contrat conclu et entré en vigueur, il ne peut plus être question de réticence. Si l’assuré tombe malade, il s’agit de la réalisation du risque assuré. L’assuré doit bien sûr en aviser l’assureur par une déclaration de sinistre. Mais celui-ci ne peut évidemment pas se libérer de sa responsabilité en affirmant qu’il n’aurait pas conclu le contrat d’assurance s’il avait su que la personne tomberait malade. Par définition, en concluant un contrat d’assurance, l’assureur accepte de supporter un risque. Si celui-ci se réalise, les prestations assurées sont dues.
*ASSOCIATION SUISSE DES ASSURÉS
GENÈVE
tél. 022 301 00 31 (lu-ve, 9 h à 17 h)
NEUCHÂTEL
tél. 032 842 25 53 (dès 17 h)
VAUD
tél. 021 653 35 94 (lu et je 8 h à 11 h)