Plus de 40% des bénéficiaires d’une rente AI souffrent de maladies psychiques, et leur nombre ne cesse de croître. Si cette réalité affole les comptes de l’Assurance invalidité, elle fait aussi très peur aux assureurs privés. Du coup, ils ont tendance à crier «au fou!» dès qu’une personne a suivi le moindre petit traitement psychothérapeutique, comme en témoigne l’expérience de Colette*.
«L’an dernier, je me suis lancée dans une activité indépendante et j’ai donc cherché à m’assurer individuellement contre la perte de gain (APG). Persuadée d’être en parfaite santé, j’ai rempli sans appréhension le questionnaire de l’assureur dont l’offre était la plus avantageuse. Parmi les traitements suivis, j’ai signalé une série de consultations chez une psychologue, en précisant le motif, soit un état de stress passager lié à mon ancienne activité salariée.»
Deux mois plus tard, la décision de l’assureur tombe: l’état de santé de Colette est jugé «défavorable» et la proposition d’assurance est refusée.
«Outre l’humiliation, j’étais surtout très fâchée de me savoir dénuée de couverture en cas de pépin.»
Ce refus net de contracter dès que l’assureur suppose un problème psychologique serait de plus en plus fréquent. «C’est assez typique des caisses maladie, observe Thierry Equey, courtier d’assurances. Le cas le plus aberrant dont j’ai été témoin est celui d’une caisse refusant obstinément d’assurer un psychiatre parce qu’il avait suivi une psychanalyse, alors que sa formation l’exige!»
Et, quand l’assureur accepte néanmoins d’entrer en matière, le contrat est généralement assorti de réserves (limitées ou non dans le temps) pour toutes les prestations liées à un problème psychologique.
Etre honnête et négocier
Une consultation chez le psychiatre ne ferme, heureusement, pas toutes les portes des assureurs. Un changement d’emploi — et d’assurance APG — demeure donc possible.
Attention toutefois: omettre de signaler un traitement chez un psychiatre dans un questionnaire de santé est la pire chose à faire. Car, ainsi, «l’assuré commet une réticence, prévient Olivier Subilia, ombudsman des assurances privées. Et, dans ce cas, l’assureur peut rompre le contrat, même pour des affections apparemment banales. Plus grave encore: si l’omission est en lien avec des prestations accordées, leur remboursement peut être exigé.»
Il convient donc de remplir ce questionnaire avec minutie, mais en précisant d’emblée les circonstances du traitement et l’absence d’éventuelles séquelles ou d’arrêt de travail. Et, si l’assureur émet des réserves à vie, il faut négocier. «Lorsque vous estimez n’avoir aucun risque de rechute, conseille Olivier Subilia, dites: «OK, je signe avec une réserve, mais à condition qu’elle soit limitée à cinq ans et que, à l’échéance, elle tombe automatiquement si je n’ai plus eu recours à d’autres consultations d’ordre psychologique.»
On peut aussi demander l’intervention du médecin-conseil de l’assurance et l’inviter à prendre contact avec le thérapeute consulté, afin qu’il atteste de son bon état de santé.
Et si, malgré tout, aucun accord convenable n’est trouvé, il faut frapper à la porte d’une autre compagnie.
Le libre passage
L’assuré s’évitera, toutefois, ces tracasseries en usant de son droit de libre passage, lors du changement d’APG. Cela permet, bien souvent, de contourner cet enquiquinant questionnaire de santé.
Le cas des salariés
Quand la personne est engagée par une grande société, il n’y a en général aucun problème, car elle aura certainement négocié un contrat d’APG collective, qui couvre tout le personnel, sans conditions ni questionnaire.
A défaut, il faut vérifier si l’assureur APG de son ancien employeur et celui du nouveau ont tous deux signé la convention de libre passage. C’est généralement le cas (voir bonus web*). La nouvelle APG sera alors obligée de reprendre l’assuré aux mêmes conditions et sans émettre de nouvelles réserves. Par ailleurs, le nouvel assureur n’a pas le droit de remettre le compteur à zéro pour les éventuelles anciennes réserves limitées dans le temps.
Toutefois, si la couverture du nouvel assureur est meilleure que la précédente, les prestations excédentaires peuvent éventuellement faire l’objet de nouvelles restrictions en fonction de l’état de santé de l’assuré.
Attention: ce droit de libre passage s’éteint, en principe, un mois après la fin de l’ancien contrat. Il ne faut donc pas tarder à chercher un nouvel employeur.
Le cas des indépendants
Les personnes qui, par exemple, quittent un emploi salarié pour se mettre à leur compte bénéficient aussi d’un libre passage.
L’assureur APG de leur ancien employeur est, en effet, obligé de les reprendre à titre individuel, sans questionnaire de santé et aux mêmes conditions. La prime à payer sera, certes, beaucoup plus élevée, mais, au moins, la couverture est garantie. A condition d’en faire la demande sans traîner, car ce droit au libre passage s’éteint, lui aussi, souvent après un mois (à vérifier dans les conditions générales d’assurance).
Donc, si, comme Colette, on désire comparer les offres de la concurrence, il faut absolument entamer les démarches bien avant de quitter son emploi salarié, afin de pouvoir se rabattre, si besoin, sur son ancienne APG.
Joy Demeulemeester
*Nom connu de la rédaction.
BONUS WEB: convention de libre passage, liste des signataires et compléments d’information
Questionnaire et 2e pilier
Changer d’emploi, c’est non seulement changer d’assurance perte de gain, mais aussi de caisse de pension. Et, là encore, l’assuré peut être soumis à un questionnaire de santé.
La bonne nouvelle est qu’aucune caisse ne peut refuser une adhésion, même si son état de santé n’est pas optimal.
La mauvaise: la caisse peut limiter les prestations supérieures au minimum LPP, soit émettre des réserves pour la prévoyance surobligatoire.